La photo "Crucifix", un débat de daltonien

© Istock / Ahmed Zagoudi
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© Istock / Ahmed Zagoudi

La photo "Crucifix", un débat de daltonien

Chronique
Suite à la polémique suscitée par la publication de l'image "Crucifix" de la photographe Elisabeth Ohlson Wallin dans le magazine Réformés du mois de février 2018, Le directeur de Médias-pro Michel Kocher propose un débat s’appuyant sur le logiciel d’analyse de la communication contactGPS.

Les discussions engendrées par la publication de la photographie "Crucifix" m'ont fait penser à une assemblée rassemblant différents daltoniens, à qui on demanderait de commenter le symbolisme de cette image. Difficile de se comprendre; si chacun perçoit les mêmes formes et les mêmes contours, les couleurs qui composent cette icône d’un genre particulier ne sont pas les mêmes. Les désaccords ne tardent pas à poindre. Il est important d’éclairer ces enjeux discordants sans pour autant mélanger tous les niveaux d’analyse. Or, il y a plusieurs problématiques qu'il convient de distinguer quand nous sommes face à l’oeuvre de la photographe Elisabeth Ohlson Wallin. C'est l'objectif de ces lignes et de la version du ContactGPS, proposée à votre attention. Ce logiciel vous invite, en quelques questions, à vous situer dans la polémique. 

Un problème de lunettes

Je vois au moins deux daltonismes qui traversent cette image. Le premier est un daltonisme de la perception: on peut percevoir cette image de façon différente, quelle que soient notre conviction inhérente à l'accueil des homosexuels au sein des Eglises réformées. Pour les uns la photo est choquante, inappropriée. Pour les autres elle est profondément touchante et sensuelle. Un ami gay, engagé dans l'église, m'a confié son malaise vis-à-vis de cette image qu'il trouvait inutilement provocatrice et bien réductrice. Ce daltonisme de la perception ne différencie donc pas des pour ou des contre l'accueil des homosexuels, mais des perceptions différentes de la fonction d'une image provocatrice. Ce daltonisme est de nature culturelle: il prend place à l'intérieur de notre espace public médiatique occidental.

Capture d'écran du contactGPS sur la photographie "Crucifix" d'Elisabeth Ohlson Wallin / © Réformés.ch

Le second est un daltonisme des valeurs. Cette image amalgame des référents symboliques divers et divergents selon le socle des valeurs auxquelles on adhère. D’un côté il y a les symboles de l'amour homosexuel, enrichis (ou parasités…) par une différence raciale surajoutée. De l'autre il y a le symbole de la Croix, classique en christianisme, mais réservé à la figure de Jésus, dont c'est un des moments central et dramatique de la vie. Ce daltonisme des valeurs ne distingue pas non plus des pour ou des contre l'accueil des homosexuels, mais des relations différentes à ce que l’on projette sur un symbole religieux. Ce daltonisme relève de la conviction, à l'intérieur de l'espace spirituel et théologique du christianisme.

Cadrer le débat à mener

Peut-on jouer avec les symboles chrétiens? C'est l'un des débats à mener. "Crucifix" fait comme si le symbole de la Croix pouvait être associé à tout, sans limites. L'image est-elle attentatoire à la foi chrétienne? Blasphématoire, affirment même certains? Ou est-elle alors juste iconoclaste? Après tout, le travail de l'artiste n'est qu'une simulation. C'est un jeu; les deux homosexuels sont placés en forme de croix pour simuler une caution christique qu'ils n'ont pas et que l'image en question n'a pas les moyens de leur donner. Pour le philosophe Jean Baudrillard, la simulation «remet en cause la différence du vrai et du faux, du réel et de l’imaginaire». Est-ce cela le problème?

Un autre débat à mener est celui de savoir s'il convient d'associer la souffrance du Christ sur la Croix avec la discrimination des homosexuels. Est-ce une approche théologique solide? Pour le dire autrement, un accord autour des questions touchant l'accueil spécifique des homosexuels se situe-t-il au centre de l'actualité de la foi chrétienne? Sans accord sur ce point, la communion est-elle encore possible? N'est-ce pas aller trop loin, plus loin même que ce que l'image opère? En fait, "Crucifix" fonctionne comme un simulacre de confession de foi. Elle place l'identité homosexuelle au coeur du christianisme, mais sans aucune caution religieuse effective ou travail théologique reconnu. Deux débats parmi les quatre auxquels vous pouvez participer en cliquant ici.

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