Anne Reiser, Pour la paix des enfants et des ex-époux

© Reformés - le Journal / Patrick Gilliéron Lopreno
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© Reformés - le Journal / Patrick Gilliéron Lopreno

Anne Reiser, Pour la paix des enfants et des ex-époux

Résolution
Entre Bible et arts martiaux, l’avocate fille d’un pasteur vaudois divorcé lutte en souplesse pour régler pacifiquement les conflits familiaux.

Le papier ne suffit pas. Il faudrait l’image, pour son regard acéré mais bienveillant, et pour le karaté et le yoga qu’elle pratique. Il faudrait le son pour son rire cascadant-tonitruant; pour le chant; pour la musique, celle, classique, qu’elle interprète à la guitare et celle que la mélodiste compose entre autres pour la clarinette basse de son compagnon. Il faudrait et le son et l’image pour la future comédie musicale qu’elle crée autour de… la cornemuse.

Elue par les avocats de Suisse numéro un de sa spécialité, le droit de la famille, Anne Reiser combine ses talents pour déployer son métier de la façon la plus constructive possible. Cette hyperactive perfectionniste canalise son «énergie énorme» pour «contribuer de [son] mieux à l’harmonie du monde», elle le dit sans orgueil ni fausse humilité. «Il faut agir sur les choses sur lesquelles on a prise, ne pas rester comme un fétu de paille emporté par la vague, mais se fixer un bon gouvernail!» La co-fondatrice d’Ichoba, le Centre de régulation des conflits familiaux suisses et internationaux, auteure de "Au nom de l’enfant… Se séparer sans se déchirer" et de nombreux articles et ouvrages spécialisés coordonne un énorme guide du droit de la famille, écrit, enseigne et travaille sans relâche au service de ses clients. Dans un seul but : apporter des solutions aussi pacifiques que possibles. C’est, dit-elle, une des leçons des arts martiaux : la meilleure victoire est celle qu’on obtient sans combat – donc sans crainte ni désir du combat.

L’institution du mariage – code civil et procédure – reste tellement maltraitante!
Anne Reiser, avocate

Leçon aussi de la vie et des valeurs héritées de ses parents. Car elle a de qui tenir. Du grand-père maternel portugais rescapé à 14 ans de la grippe espagnole, qui franchit seul les Pyrénées et fait sa vie en France jusqu’à posséder un restaurant parisien huppé. De la mère «puissante», Basque, catholique, géographe et théologienne, historienne arabisante et russophone, qui, divorcée, gagna sa vie à Genève comme secrétaire avant de repasser des examens pour pouvoir enseigner, sa passion. Du père, Vaudois, pasteur en Alsace, à Saint-Légier, à Moudon, professeur de grec et d’allemand et taxi de nuit lorsque l’Eglise licencia le ministre qui osait divorcer. Avant de le réengager cinq ans plus tard. Alors, en poste à Sainte-Croix puis aumônier en hôpital psychiatrique, le pasteur Jean-Pierre Bauhofer trouva un second amour, une femme d’exception dont Anne Reiser, admirative, est grande amie. «Il a toujours aimé les caractères forts. Et il a été servi!» dit-elle dans un grand éclat de rire. Mais, à la séparation – on est en 1969 – le divorce n’est concevable que dans la faute. Transplantés à Thônex avec mère… et grand-mère paternelle, les quatre enfants sont ostracisés, infréquentables comme leurs parents. Anne, dix ans, trouve des tactiques, jeux de billes, musique et scoutisme, pour briser l’«intense solitude», après les années heureuses de vie sociale tout aussi intense à la cure de Moudon.

Glissons sur la 3e année de collège aux Etats-Unis, la carrière musicale abandonnée au dernier moment pour le droit, un mariage, deux enfants (adultes, qui font sa fierté) et un divorce, un magnifique compagnonnage. Sans remariage: «L’institution du mariage – code civil et procédure – reste tellement maltraitante!» Glissons sur la vie professionnelle et sociale, le dur labeur et l’indispensable «déconnade». Sur le vif désir de comprendre les autres – «à quel endroit de leur vie sont-ils?» – et la recherche permanente de l’action juste au moment juste. Sur quels fondements spirituels Anne Reiser a-t-elle construit tout ça ? Bible et arts martiaux, dit-elle en substance. «Très pratiquante tous les jours de ma vie, mais à ma manière.» Elle n’entre dans les églises qu’en dehors des célébrations mais lit les Evangiles, prie ou médite chaque soir, et fit elle-même le catéchisme à ses enfants après avoir entendu le pasteur comparer Dieu à la flamme ténue et vulnérable d’une bougie. Elle conçoit le divin autrement, se sent «reliée au plus haut. Nous sommes des êtres de lumière», dit-elle en se souvenant qu’à sa naissance, son père lui a dit avoir perçu «une très forte lumière». Elle aime la prière de saint François d’Assise, «artisan de paix roboratif et vigoureux. Je m’efforce de me donner pour ce à quoi je crois, ce qui est juste et bon.»

Bio express

1958 Anne Bauhofer naît en Alsace.

1964 Son père est nommé pasteur à Saint-Légier (VD).

1976 Séjour d’étude en Pennsylvanie, y passe le bac.

1977 Elle obtient sa maturité grec-latin au collège Calvin à Genève.

1984 Elle obtient son brevet d’avocate.

1991 Naissance de Roxane (avocate à Londres).

1993 Naissance de Scott (master de physique à l’EPFZ).

2012 Au nom de l’enfant… Se séparer sans se déchirer (Editions Favre).