Les jeunes adultes sont moins religieux que leurs aînés

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Les jeunes adultes sont moins religieux que leurs aînés

13 juillet 2018
Une récente étude réalisée dans 106 pays montre que la religion à moins d’importance pour les jeunes générations. Quelques endroits inversent toutefois la tendance.

Il existe peu d'endroits au monde où les parents ne doivent pas trainer leurs enfants au culte: d'une part, le Ghana, un pays majoritairement chrétien; d'autre part, le Tchad, majoritairement musulman. Dans ces deux pays africains, les jeunes adultes ont trois fois plus de chances de s'identifier à leur foi que leurs aînés, selon une nouvelle étude du Pew research center sur le sentiment religieux chez les jeunes adultes et leurs aînés.

L'étude, qui relève que les jeunes du monde entier sont généralement moins religieux que leurs parents, montre que cette tendance est généralement inversée là où la prospérité et l’espérance de vie sont plus faibles. L’espérance de vie au Tchad et au Ghana est parmi les plus basses du monde. L'enquête porte sur 106 pays. Les données ont été tirées de 13 études entreprises ces dix dernières années.

«Nous ne pouvons pas dire: 'Voici la loi du changement religieux’», explique Conrad Hackett, chercheur principal pour l'étude de Pew. «Par contre, nous avons mis en évidence des schémas globaux et il y a bien sûr des exceptions». Le Canada affiche le plus grand écart avec une différence de 28% entre les personnes jeunes et les plus âgées sur la question de l’adhésion à une religion en particulier. Ensuite viennent le Danemark, la Corée du Sud, l'Australie et la Norvège. Aux États-Unis, les jeunes adultes entre 18 et 39 ans ont 17% moins de chances de croire en une religion que les personnes âgées de 40 ans ou plus.

Les prières et les lieux de culte

L'étude a examiné trois mesures de religiosité en plus de l'affiliation religieuse: l'importance de la religion dans la vie personnelle, la prière journalière et la participation hebdomadaire à un office religieux. Quelques surprises sont apparues. S'il est vrai qu'en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie du Sud et en Amérique latine l'écart de religiosité entre jeunes adultes et plus âgés est plus mince, ce n'est pas le cas pour chacune des questions. Au Liban, quand on a demandé aux jeunes adultes et aux plus âgés si la religion était «très importante» dans leurs vies, la différence était de 20%. En Iran, l'écart est de 9% et au Nigéria de 6%.

L’enquête propose un certain nombre de théories, hormis les facteurs de bien-être économiques, pour comprendre pourquoi les jeunes sont réticents par rapport à la religion. L'éducation joue un rôle. La hausse des opportunités de formation est souvent - mais pas toujours - liée à des taux plus faibles d'engagement religieux. Dans une certaine mesure, les changements de vie peuvent aussi être une raison de cette évolution. En vieillissant, les gens élèvent des enfants, se posent plus de questions morales et deviennent plus religieux. Mais l'explication est incomplète.

L'étude montre que même si les jeunes adultes d'aujourd'hui deviennent plus religieux avec l'âge, ils seront néanmoins moins religieux que les générations précédentes.

Les catastrophes favorisent les religions

Les guerres, les désastres naturels et les catastrophes à grande échelle ont un impact sur la religion. Le sondage cite une étude qui montre qu’après le tremblement de terre à Christchurch en Nouvelle-Zélande, l'engagement religieux dans la région à l'épicentre du séisme a augmenté de 3,4%, alors que le reste du pays a vu à une baisse nette de 1,6% durant la même période.

Au cours des années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, les jeunes Américains disaient fréquenter une Église au moins aussi souvent que leurs aînés. Cette tendance à atteint son apogée à la fin des années 1950, quand les personnes entre 30 et 39 ans fréquentaient l'Église autant que les personnes âgées de 60 ans et plus. Mais cette fréquentation a chuté chez les jeunes par la suite; le service militaire ayant été aboli en 1973 et l'expérience de la guerre s'étant estompée pour la plupart.

Les musulmans davantage engagés

Un autre fait intriguant est la différence entre chrétiens et musulmans sur la question de l'importance de la religion dans leurs vies. L’enquête a relevé que l'écart entre jeunes chrétiens et plus âgés était plus grand que celui entre jeunes musulmans et plus âgés. Une des raisons pourrait être que lorsque les chrétiens se désaffilient, ils deviennent généralement laïques ou pour reprendre le terme sociologique des «nones», c’est-à-dire des personnes sans religion. 

Dans les pays à majorité musulmane, c'est plus difficile de rejeter la foi. Ceux qui le font vont généralement choisir une autre religion. Philip Schwadel, professeur de sociologie à l'Université de Nebraska-Lincoln et consultant pour ce projet a proposé une autre raison. Le plus petit écart dans les pays à majorité musulmane serait peut-être dû au fait que l'islam, malgré les divisions entre sunnites et chiites, est plus homogène que le christianisme.

«Les États-Unis sont un pays majoritairement chrétien, mais qu'il y a beaucoup de dénominations différentes», explique-t-il. «Nous n'avons pas de principes dominants sur ce que les gens doivent faire et quand ils le doivent le faire. Il y a une grande diversité. Quand il y a moins de variations, on retrouve une uniformité des attentes et cela pourrait conduire à moins de changements au cours d'une vie ou à travers les générations.»

Est-ce que cela signifie que le monde devient plus séculier? Pas nécessairement, selon l'enquête, puisque les régions du monde les plus religieuses sont en train de vivre la plus grande croissance de population. Ces régions ont des taux de fertilité élevés et des populations relativement jeunes. Mais la persistance de cet écart d'âge mérite une étude plus approfondie. Un domaine non abordé dans le sondage concerne l'effet de la technologie, d’internet et des médias sociaux sur la religion, ou de manière plus générale, l'effet de la sécularisation.

«Nous ne sommes pas en train de dire que le changement religieux est unidirectionnel», souligne Conrad Hackett. «Mais il semble que dans beaucoup de pays, on voit un schéma avec un moindre taux de religiosité parmi les jeunes générations qui pourraient correspondre au déploiement de la sécularisation».