Transformer les victimes en activistes

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Transformer les victimes en activistes

20 septembre 2017
En Afrique du Sud, Pain pour le prochain et la Bench Marks Foundation forment et outillent de jeunes chômeurs pour défendre leurs communauté,
victimes de pollutions ou de nuisances causées par l’industrie minière.

«Depuis qu’une mine a ouvert près de mon village, j’ai perdu plusieurs bêtes de mon troupeau. Elles s’abreuvent à la rivière voisine, contaminée par la mine, car il n’y a pas d’autre point d’eau.» Cette citation est extraite du témoignage d’un habitant du village de Morapaneng, dans la province du Limpopo, en Afrique du Sud. Elle a été postée sur un blog d’alerte le 8 juin dernier et partagée sur le compte Facebook CommunityMonitorsNetwork. Des textes comme celui-ci figurent désormais par dizaines en ligne. Ils sont rédigés par de jeunes habitants dans le voisinage des mines, épaulés, formés et rétribués par la Bench Marks Foundation.

Soutenue par Pain pour le prochain (PPP) à l’occasion de l’offrande du dimanche du Jeûne, cette fondation est issue du regroupement de plusieurs Eglises africaines et vise à rappeler aux multinationales leurs responsabilités dans l’extraction minière. Les mines causent de fortes nuisances et dégradations : bruit, pollution de l’eau et des sols, poussières toxiques, etc. La tâche de la Bench Marks Foundation est immense. «2000 mines sont exploitées en Afrique, 6 000 sont abandonnées et continuent à polluer», explique Yvan Maillard Ardenti, responsable Entreprises et droits humains pour PPP. La Fondation dispose de moyens limités qu’elle concentre sur les situations les plus graves et les plus polémiques, tel le «massacre de Marikana», du nom d’une grève importante en 2012 au cours de laquelle 34 mineurs manifestants ont été tués par la police.

Face à l’impossibilité de répertorier toutes les nuisances des mines, la Fondation a eu une idée originale : elle forme des jeunes issus des communautés impactées afin de documenter ces dangers de manière systématique. Concrètement, les volontaires suivent des cours pour apprendre à observer et décrire de manière précise les situations rencontrées. Ils documentent les faits au moyen de rapports, d’images et vidéos qu’ils publient en ligne. «Il est essentiel que nous apprenions à ces jeunes à formuler des demandes réalistes, de façon à réparer les dommages commis», souligne Yvan Maillard Ardenti. Ces témoignages n’ont donc pas pour but de provoquer des manifestations ou des conflits, mais plutôt de demander réparation, par exemple en sollicitant la construction d’un nouveau puits si l’entreprise a pollué des nappes phréatiques.

Le but est de maintenir une pression sur ces multinationales et de leur montrer qu’elles demeurent sous le regard permanent de la société civile via ce réseau de jeunes activistes, destiné à grandir. Par ailleurs, si les participants ne touchent qu’une rétribution symbolique, la formation que leur offre la Bench Marks Foundation s’avère utile dans la recherche d’emploi. Démarré en 2015, le programme a formé 135 personnes exerçant des activités de monitoring pour 35 communautés. L’initiative est amenée à s’étendre dans d’autres pays d’Afrique australe dès cette année.