Décloisonner le sens de Noël

Icône byzantine : Noël ou la visite de la transcendance dans l'immanence du monde / Icône byzantine : Noël ou la visite de la transcendance dans l'immanence du monde
i
Icône byzantine : Noël ou la visite de la transcendance dans l'immanence du monde
Icône byzantine : Noël ou la visite de la transcendance dans l'immanence du monde

Décloisonner le sens de Noël

21 décembre 2022

Le sens profond de Noël est encapsulé aujourd'hui dans une triple cloison qui rend sa signification passablement hermétique : l'enceinte festive, l'enceinte religieuse et l'enceinte infantile. La première clôture enferme Noël dans une fête de fin d'année, jugée à la fois commerciale, féérique et merveilleuse. Ce cachet indéniable confère son succès à la fête de Noël et garantit sa formidable résistance à toutes les formes modernes de rationalisation.

Une fois sorti de ce cadre festif, Noël est restitué à son sens permanent, à sa profonde signification anthropologique, qui demande à son tour à être décloisonnée de son enceinte religieuse, tout aussi redoutable. Car Noël est alors une fête chrétienne, dont le sens se perd au rythme où le christianisme lui-même devient obsolète. Le message chrétien de Noël fait désormais figure d'aparté, décentré du cœur laïcisé de la fête et écarté des Noëls officiels des écoles, des commerces et des institutions. Enfin, troisième cloison, qu'il s'agisse du sapin décoré, du père Noël, des bergers ou des rois mages, la dimension familiale et surtout infantile de la fête fait obstacle à toute réflexion sur son sens profond.

Au travers du triple décloisonnement ici proposé, Noël retrouve une signification pertinente avec son origine étymologique du mot latin natalis. Irréductible à la naissance par procréation biologique, Noël désigne alors la naissance d'une réalité humaine non alignée sur le champ naturel de la vie, d'ordre spirituel ou théologique. Cette réalité non naturelle à ou de l'humain peut être désignée par les mots compassion, sollicitude, bienveillance, accueil, visite, avec une forte connotation de gratuité, de spontanéité, inattendue et sans justification rationnelle possible. Noël est surprise, inscription de l'irréel dans le réel.

En tradition chrétienne, Noël désigne Dieu sorti de lui-même (ou de son Ciel, ou de son Royaume) pour nous visiter. Un abaissement de l'Infini qui confère une valeur infinie à la vie humaine, à chaque vie humaine. L'individu anonyme parmi des millions d'autres devient une créature reconnue, fondamentalement unique et personnelle. Or, cette valeur ne dépend pas de la fonction sociale de cet individu, de sa renommée, et donc des limites toujours concurrentielles et temporaires du déploiement de ses capacités propres, mais du regard que Dieu pose sur lui. Ce déplacement de la valeur de l'individu de son fond propre vers une gratuité reçue constitue la révolution de Noël, qui prend ainsi un sens méta-chrétien, méta-religieux et méta-théologique. Le christianisme n'est ici que le véhicule religieux au travers duquel cette mutation anthropologique est explicitée.

La visite de Dieu aux humains entraine une récapitulation du cosmos entier: étoiles, anges, famille intime, nouveau-né, modestes bergers, bétail, mages savants internationaux, trésors de richesses naturelles, tout se retrouve en condensé dans le microcosme de la crèche. Noël signifie ici, à partir de cette nouvelle naissance du et par le Messie, une régénération profonde de notre perception de la réalité, qui ne saurait être que scientifique, et qui laisse la place à une transcendance inscrite dans l'immanence du monde.

La visite de Dieu entraine la visite des hommes. Bergers et mages sont attirés vers et par l'enfant Jésus. Dieu sorti de soi implique l'effort de chacune et chacun de sortir de soi, le don de soi, comme exigence fondamentale pour que l'homme soit humain, et non seulement Homo sapiens. Le courage de sortir de soi suppose le lâcher prise vis-à-vis de sa vie propre, et donc aussi une confiance accordée au cosmos entier, matériel, spirituel, théologal. Noël est ainsi la naissance d'une confiance accordée à la spiritualité et au caractère divin du réel, et non plus seulement à sa nature. Cette confiance permet de penser le monde comme un espace ouvert de compassion universelle qui excède tout ce que la physique, la biologie, l'économie, la politique et l'écologie peuvent dire en matière de maintenance et de régulation des systèmes complexes de la nature spatio-temporelle, en laquelle luttent inexorablement des forces contraires faisant obstacle à l'advenue de Noël.

A propos du sens de Noël, voir également trois prédications sur mon site.

 

 

partager ce contenu reformes.ch sur Facebookpartager ce contenu reformes.ch sur Twitterpartager ce contenu reformes.ch par email