La résurrection de Jésus et la nôtre

Grünewald, résurrection
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Grünewald, résurrection

La résurrection de Jésus et la nôtre

10 avril 2023

Jésus et ses disciples croyaient à la résurrection des morts. Contrairement à ce qu'on imagine souvent la résurrection de Jésus n'est donc pas à l'origine de la foi des chrétiens en notre résurrection. Il faut au contraire comprendre la résurrection de Jésus à partir de ce dont lui et ses disciples étaient persuadés à propos de la résurrection des morts. C'est parce qu'ils croyaient à la résurrection des morts que les disciples de Jésus ont pu le dire ressuscité.

A l'époque de Jésus, seuls les sadducéens, parmi les diverses tendances du judaïsme, semblent avoir nié l'existence de la résurrection (Marc 12.18ss.). Jésus affirme, dans un débat qu'il a avec eux, que « Dieu n'est pas le dieu des morts, mais des vivants » (v.27) et prend parti pour la résurrection des morts. Lors de l'épisode du rappel de Lazare à la vie (Jean 11), Jésus parle de résurrection à l'une des sœurs de Lazare, Marthe, sans lui expliciter de quoi il s'agit. Il faut croire qu'elle, comme les premiers lecteurs de l'évangile, savaient de quoi il en retournait.

L'idée de résurrection des morts apparaît tardivement dans le judaïsme. Très longtemps on a pensé que les morts s'en allaient dans le shéol, lieu humide et froid, d'où Dieu était absent. Alors, un juif survivait après sa mort dans sa descendance. Puis vint un problème posé par la mort de défenseurs de la foi. On trouve cela dans le second livres des Macchabées (7.9,11,23). Des justes s'étaient, en effet, battus, au prix de leur vie, pour défendre le respect de la loi mosaïque, la pureté du temple et l'honneur de Yahweh. Il n'était pas normal qu'ils ne soient en aucune manière rétribués pour leur défense de la cause de Dieu. On adopta dès lors les idées de l'ancien occupant perse au sujet d'une recréation par Dieu après la mort. Liée à celle d'un jugement post mortem, cette idée de résurrection permettait aussi d'expliquer que Dieu était juste quand bien même certains justes mouraient dans la déchéance alors que tant d'impies décédaient riches et gras (cf. Psaume 73). La résurrection signifiait ainsi la reconnaissance par Dieu de la valeur de ceux qui avaient mené son combat sur cette terre sans avoir été récompensés de leur vivant.

Les premiers chrétiens ont ainsi relu la mort injuste de l'innocent Jésus de Nazareth au travers de cette idée de résurrection. En affirmant qu'il était ressuscité d'entre les morts, ils affirmaient que Dieu avait pris parti pour lui contre le jugement de ses contemporains. La valeur de son ministère était reconnue par Dieu. On pouvait donc s'inspirer de sa vie et de son enseignement en dépit de son échec patent.

Ici on me dira que je ne fais de Pâques que l'occasion d'une relecture par les disciples de la mort de Jésus de manière radicalement autre que ce que les humains en faisaient tout naturellement. En un sens, c'est juste, mais en un autre, il doit bien y avoir eu un événement pour que les disciples, dépités par la mort de ce maître pour qui ils avaient tout quitté, en arrivent à relire cette mort de manière radicalement nouvelle. Il doit aussi bien y avoir eu un événement très particulier pour que les disciples n'affirment pas que Jésus ressusciterait avec tous les héros de la foi à la résurrection au dernier jour, mais qu'il était déjà ressuscité d'entre les morts. On ne peut préciser davantage ce que fut cet événement quand on s'en tient aux constatations qu'un historien est en droit de faire. Ce qu'on constate, c'est un retournement complet dans la manière dont certains disciples ont compris la mort de Jésus (et leur propre vie) peu après sa crucifixion (cf. Luc 24.13-35, les disciples d'Emmaüs).

On peut même ajouter qu'un tel retournement est humainement inexplicable. Un croyant peut légitimement confesser que Dieu-Esprit était à l'oeuvre au cœur des disciples et que c'est lui qui a provoqué ce retournement. Il va de soi qu'un incroyant pourra tout aussi légitimement prétendre – en fonction de ses convictions – que les disciples n'ont pas accepté la radicale défaite de leur maître et qu'ils ont trouvé un moyen pour que l'aventure commencée avec lui se poursuive, parce que tel était leur ardent désir tout humain... Aucun fait objectif ne permet de départager ces deux opinions. On ne peut que « sauter » dans... ou « parier » sur... l'une ou l'autre de ces deux interprétations de la mort et de la résurrection de Jésus.

Que nous dit maintenant la résurrection de Jésus à propos de notre propre résurrection ? Puisque les disciples croyaient en la recréation des morts par Dieu en un temps indéfini, il n'était pas nécessaire pour eux que Jésus soit déjà ressuscité pour qu'ils aient cette foi en la résurrection. Pas plus que les disciples, nous n'avons en un sens besoin de la résurrection de Jésus pour nous persuader que Dieu peut nous ressusciter. La résurrection de Jésus serait-elle alors une preuve que l'on ressuscite bel et bien ? Ce ne saurait être une preuve. On ne peut, en effet, constater, historiquement parlant, qu'un changement de point de vue des disciples sur la signification de la mort de Jésus, lequel changement de point de vue implique une nouvelle manière de concevoir sa vie en ce monde. De plus le message de Jésus avait passablement mis à mal l'idée que Dieu fonctionnait en termes de rétribution. Au donnant-donnant de la rétribution, il a substitué la logique de la grâce, du don gratuit. Or, c'est précisément maintenant à partir de cette logique de grâce endossée par le Dieu que nous révèle Jésus qu'un disciple de Jésus peut acquérir la certitude de sa propre résurrection.

Au cœur du message – et du comportement de Jésus – il y a, en effet, l'affirmation que nous avons tous inconditionnellement une valeur absolue aux yeux de Dieu. Si notre personne possède une valeur infinie pour Dieu et si aucune condition n'est mise pour l'obtenir ou la conserver, alors il n'y a pas de raison que Dieu nous abandonne à la mort. Lui qui est plus fort même que la mort est à même de nous recréer-ressusciter par delà notre trépas. Contrairement à ce que pensaient les juifs depuis l'époque des Macchabées, cette résurrection ne se mérite pas. Elle est pur don. On peut faire confiance au dieu qui donne gratuitement qu'il nous fera ce don.

Dès lors, même si Jésus n'était pas (encore) ressuscité des morts, on pourrait avoir la certitude que le Dieu en qui nous mettons notre confiance, suite à ce que Jésus nous en a révélé, nous ressuscitera un jour et que ce n'est pas la mort, mais Dieu qui a le dernier mot sur nos vies.

 

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