Le Record Suisse de Prédication Réformée a été battu. C'est un inconnu au bataillon qui a détrôné le champion en titre, en repoussant la barre à 127 mots.

Comme chaque année, le Comité de PÉPÉS (Propagation Experte de Prédications Excellentes en Suisse) s'est rassemblé pour juger de la meilleure prédication en territoire helvétique. Les experts étaient prêts, armés de l'Institution de la Religion Chrétienne dans une main, de la Kirchliche Dogmatik dans une valise tirée par l'autre main.

Leur mission: « veiller à garder bien vivant l'esprit de la Réforme, par la proclamation de la Sainte Parole dans la plus pure tradition réformée » explique fièrement le professeur Briquabraz, détenteur de la chaire d'études néo-testamentaire de l'Institut des Sciences Noétiques Objectives Bibliques (ou iSNOB).

Un processus d'évaluation « juste et droit »

Parmi les centaines de prédications envoyées au comité, le premier tri est vite expédié: « les vidéos, les enregistrements audio, … tout ceci est rejeté d'office », commente le professeur Briquabraz. Cela n'aurait rien à voir avec le fait que personne dans le comité ne sait se servir d'un lecteur multimédia. Non, la raison est plus profonde: « la prédication est avant tout un art écrit », même si elle doit parfois passer par l'oral « pour édifier les petites gens qui ont de la peine à lire par eux-même. »

Une fois ce premier tri effectué, les prédications restantes sont classées selon le nombre de thèses de doctorat du candidat. « Certes, en théorie, une pépite pourrait venir d'un détenteur d'un simple master, oui… », commente Briquabraz, visiblement amusé par l'idée, « mais notre temps est limité, et il faut privilégier les scénarii plausibles. »

Le candidat prodigue

Et cette année, c'est la surprise. Le prix de Meilleur Exercice de Rhétorique Discursive Exégétique a été remis à un jeune candidat, François Lévrot. À quelque années seulement de la retraite, le Dr Lévrot a passé l'entier de sa carrière (après la défense de sa thèse) comme simple pasteur de campagne. « Imaginer qu'un tel texte puisse venir de quelqu'un avec un CV si peu prestigieux, c'est prodigieux ! » s'exclame le professeur de théologie pratique Landwirte.

Non seulement le lauréat rafle le prix, mais il détrône le précédent champion, avec un nouveau record de 127 mots. 127 mots et concepts incompris par le comité à la première lecture, mais qui s'avèrent tous finement et précisément choisis. « Des dizaines d'heures de préparation sont nécessaires pour parvenir à un tel niveau » confie fièrement le lauréat.

Pour y parvenir, le prédicateur s'est enfermé dans son bureau pendant plusieurs jours, armé de ses dictionnaires et encyclopédies. « Chaque mot a été passé au crible, afin de trouver le meilleur compromis entre précision, érudition et inaccessibilité » nous explique-t-il. Le travail a payé, puisque M. Lévrot peut maintenant arborer ce trophée homilétique tant convoité.

Un pasteur très apprécié

François Lévrot est très apprécié par son auditoire pour ses prouesses oratoires. Un de ses paroissiens nous confie ressortir enchanté de chacune de ses prédications. Au point qu'il ne va même plus au culte quand c'est « la jeune collègue » qui prêche: « avec elle, on comprend tout. C'est bien la preuve qu'elle n'a pas travaillé le texte. »