Une Église pentecôtiste refuse de marier une femme séropositive

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Une Église pentecôtiste refuse de marier une femme séropositive

Frederick Nzwili
15 novembre 2018
Kenya
Un jeune couple s’est vu interdit de se marier à l’Église, car la jeune femme était séropositive. Bien que la loi kenyane condamne cette décision, certains pasteurs persistent à stigmatiser les personnes touchées par le VIH.

Un pasteur pentecôtiste de la ville de Bahati, dans l’ouest du Kenya, a déclenché l’indignation en refusant de célébrer le mariage d’un jeune couple jusqu’à ce qu’il se soumette à sa demande de dépistage du VIH, le virus responsable du sida. Le pasteur Jesse Karanja, chef de l’Église de la Maison de prière Mizpah, a insisté pour que Joyce Waithera et Paul Waithaka subissent des tests du VIH et de grossesse alors que des invités anxieux et des parents ont attendu dans l’église pendant plus de huit heures. Lorsque les résultats du test ont indiqué que Joyce Waithera était séropositive et enceinte, Jesse Karanja a refusé de célébrer le mariage, selon les médias locaux.

Par la suite, le pasteur a allégué que les normes de l’Église n’avaient pas été respectées. Le refus du pasteur a mis en évidence la stigmatisation persistante de nombreuses Églises d’Afrique subsaharienne à l’égard des personnes séropositives, alors même que l’amélioration des tests, de la prévention et des traitements permet d’espérer que l’épidémie pourrait prendre fin. Dans l’ensemble du pays, la prévalence de l’infection au VIH est tombée en dessous de 6%, et elle est plus faible autour de Bahati. Selon un rapport de 2016 du Ministère kenyan de la santé, les nouvelles infections chez les adultes de la région ont diminué de plus de 80% depuis 2013.

Mais des cas comme celui de ce mariage à Bahati montrent que les progrès dans l’acceptation des malades du sida et des porteurs du VIH sont encore fragiles et divisent la société. «La meilleure chose à faire aurait été de marier le jeune couple et de le conseiller sur la façon de vivre ensemble avec ce statut», a expliqué le pasteur Rahab Wanjiru, un prêtre anglican séropositif, vivant au centre du Kenya et qui fait fréquemment campagne contre la stigmatisation liée au VIH.

La loi condamne les tests obligatoires

Les couples sérodiscordants sont ceux dans lesquels un partenaire est infecté alors que l’autre ne l’est pas. Bien qu’il n’existe pas de statistiques précises, l’enquête sur les indicateurs du sida au Kenya en 2012 a montré que 260 000 personnes étaient impliquées dans ce type de relations. La loi kenyane sur la lutte contre le VIH et le sida condamne les tests obligatoires et assure le droit à la confidentialité des résultats. Mais malgré cette loi, certaines Églises, en particulier les Églises évangéliques et pentecôtistes, ont exigé le strict respect des tests avant le mariage.

Samson Mulinge Mutuse, un pasteur séropositif de Nthange, dans l’est du Kenya, a affirmé avoir récemment épousé une femme séronégative dans son Église. «Si deux personnes acceptent de se marier malgré la maladie, aucun pasteur n’a le pouvoir de nier ce droit. Le couple de Bahati est autorisé à se marier et le pasteur devrait être puni pour son action. Il y a des lois qui s’appliquent dans de telles circonstances.»

Jane Ng'ang'a est responsable de la section kenyane du Réseau international des responsables religieux vivant avec ou personnellement affectés par le VIH et le sida, connu sous l’acronyme INERELA+. Selon elle, de nombreux religieux imaginent que le mariage avec un partenaire séropositif implique forcément la mort. «Ils pensent qu’ils ont l’obligation d’exiger des tests, car pour eux, le VIH reste une condamnation à mort.»

Le mariage est un droit

Les responsables de nombreuses Églises protestantes et catholique romaine au Kenya conviennent que le dépistage n’est pas obligatoire. En même temps, ils conseillent aux couples de consulter une clinique ou un médecin. «Il est bon pour eux de connaître leurs statuts pour qu’ils puissent savoir comment vivre ensemble. On ne peut pas interdire un mariage à cause d’un résultat positif. Nous traitons le VIH comme n’importe quelle autre maladie», a relevé le pasteur Wilybard Lagho, vicaire général de l’archidiocèse catholique romain de Mombasa.

De son côté, Rahab Wanjiru souligne que certains dirigeants religieux associent encore le VIH à l’immoralité. D’ailleurs, Jesse Karanja a sous-entendu dans une vidéo que le résultat positif de la jeune femme découlait du fait qu’elle s’était «détournée du chemin de vie chrétienne traditionnel.» Entre-temps, Paul Waithaka, le jeune homme de Bahati, a expliqué à un journal local qu’il était en train d’organiser une nouvelle cérémonie de mariage avec sa fiancée.

Frederick Nzwili, Nairobi, Kenya, RNS/Protestinter