Gérer une transition

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Gérer une transition

PASSAGE
Les Eglises réformées vivent actuellement un processus de profonds changements. Une phase complexe où maintien et renouvellement cohabitent, créant parfois certaines surcharges. Réflexions avec le pasteur et conseiller synodal neuchâtelois Yves Bourquin.

«Nous sommes actuellement dans une phase délicate. Un fonctionnement traditionnel est encore soutenu et souhaité par de nombreuses personnes, notamment celles qui soutiennent financièrement l’Église et qui votent en assemblées. Des nouvelles pistes se développent toutefois et méritent que l’on prenne le temps de les questionner afin de réfléchir à un nouveau modèle d’Église», analyse Yves Bourquin.

Bien qu’il se base principalement sur la situation au sein de l’Église réformée évangélique neuchâteloise (EREN), le pasteur pense que ses observations peuvent être transposées sans grandes difficultés à d’autres Églises cantonales. Pour lui, les dix prochaines années vont osciller entre maintien et renouvellement: «Il nous faudra faire preuve de beaucoup de souplesse, revoir les interactions paroissiales et cantonales, et surtout essayer de libérer suffisamment d’espaces pour saisir de nouvelles opportunités.»

Une démarche longue dans laquelle le dialogue et le respect du processus démocratique sont d’une importance fondamentale, pour le pasteur qui est candidat à la présidence du Conseil synodal de l’Église réformée neuchâteloise.

Evolution naturelle

Les questions liées à l’avenir de l’EREN ont été longuement discutées lors du dernier Synode en août dernier. Le projet EREN2023, destiné à repenser l’Église de demain, s’est transformé en processus à moyen terme. Ce dernier vise une mutualisation progressive des tâches afin de libérer des forces pour de nouvelles activités. Yves Bourquin fait un parallèle entre ce contexte et le jeu de taquin (photo), une sorte de puzzle qui consiste à déplacer des pièces pour reconstituer une suite de chiffres ou une image. Un casse-tête dans lequel la case vide est primordiale afin de donner de l’espace. Pour le conseiller synodal, il est important de ne pas précipiter les choses et d’agir lorsque la situation le permet. Des départs naturels, des changements de contexte ou des occasions spécifiques permettent de revoir certains fonctionnements ou profils de poste sans devoir imposer des remaniements drastiques.

Saisir les opportunités

Dégager du temps devrait permettre aux ministres et professionnels de l’Église de pouvoir répondre présent lorsque la situation est propice ou si des sollicitations particulières leur sont faites. Dans ce domaine, Yves Bourquin se dit particulièrement confiant envers les nouvelles générations de ministres: «J’ai beaucoup d’espoir concernant leur ouverture pour repérer les lieux et les moments où l’Église doit être présente. Aujourd’hui, cela va de soi, c’est une clé du métier.» Le pasteur pense que les Églises ont encore beaucoup à apporter à la société: «Elles peuvent nourrir une véritable réflexion sur le monde de manière ouverte, dans un sens philosophique, pour délivrer un message pertinent qui aide à mieux vivre. Ce dernier mérite de se confronter à un public plus large que le cercle des paroisses, surtout s’il suscite le débat.»

Oser s’affirmer

Cela fait déjà plusieurs années que le pasteur réfléchit à ces questions, notamment dans le cadre d’un groupe de réflexion qui s’est intéressé à l’épineuse question de l’évangélisation. Le fruit de leur travail a été retranscrit dans une brochure parue en 2016 au titre évocateur: «Passons en mode évangélisation». «Les réformé·e·s ont une certaine réticence avec ce terme, car ils ne veulent surtout pas être taxés de prosélytisme. Si les Églises ont un message pertinent, elles doivent oser le dire publiquement, ceci dans le respect de chacun·e en évitant tout moyen qui priverait l’autre de sa liberté de croire. Par ailleurs, un certain scrupule freine parfois les ministres à oser parler des besoins financiers de l’Église, invoquant la gratuité de l’Évangile. Si l’Église doit résister à devenir «une prestataire qui vend ses services», elle doit néanmoins en affirmer clairement le coût. Pour éviter une Église qui «se vend», il faut devenir une Église qui «s’offre», analyse Yves Bourquin.