Les pasteurs vaudois peuvent enfin bénir les mariages homosexuels

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Les pasteurs vaudois peuvent enfin bénir les mariages homosexuels

7 novembre 2022
Réunie en Synode les 4 et 5 novembre, l’Eglise évangélique réformée vaudoise a révisé les articles de son règlement qui l’empêchaient encore de bénir l’union des couples de même sexe.

C’est acté. Dès aujourd’hui, les pasteurs vaudois sont en capacité de bénir tous les mariages civils, soit également les couples de même sexe. Le fruit d’un travail de longue haleine qui s’est terminé ce samedi 5 novembre dans la salle du Grand Conseil vaudois, après deux jours de débats à propos des termes du Règlement ecclésiastique de l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV), qui nécessitait des modifications substantielles. «Ce jour est enfin arrivé», a déclaré avec émotion et fierté le pasteur et membre du Conseil synodal (exécutif) Laurent Zumstein, avant de fondre en larmes sous les applaudissements de l’assistance. Car si la majorité des membres du Synode (organe délibérant) étaient acquis à cette cause — malgré quelques récentes démissions militantes de délégués affiliés au R3, la branche évangélique de l’EERV —, l’adaptation du règlement, en conformité avec le nouveau droit qui permet aux couples de même sexe de se marier civilement depuis le 1er juillet, n’a pas été chose aisée. «Il s’agit là d’un enjeu de communication et d’accompagnement qui dépasse notre règlement ou même notre Synode», a déclaré sa présidente Sylvie Arnaud.

Du catéchisme

En effet, depuis que le Synode vaudois a décidé, en juin dernier, d’opter pour une bénédiction unique pour tous les couples mariés civilement, pas moins de sept articles demandaient encore d’être réécrits ou toilettés. Ce vendredi, un bal de prises de parole et d’amendements a donc commencé, l’assemblée assumant un «pinaillage» qui, selon le délégué Olivier Leuenberger, «est bien la fonction d’un Parlement d’Eglise». Ainsi, ce qu’on appelle communément «mariage» au sein de l’Eglise réformée sera donc désigné comme un «culte de bénédiction de mariage», dont le but est «l’invocation de la grâce que le Dieu de Jésus-Christ accorde par son Esprit à deux personnes civilement mariées».

À la suite de ces ajustements d’ordre théologique, c’est bien le droit civil qui a passé une tête dans les débats de ce week-end. L’EERV étant une institution de droit public, bénéficiant d'une subvention de l'Etat, une crainte demeurait toujours s’agissant des ministres (pasteurs et diacres) qui, «selon leurs convictions théologiques», refuseraient de bénir un couple homosexuel. Un article finalement intitulé «Clause de conscience» a suscité des discussions nourries, avec en ligne de mire la potentielle condamnation pénale des ministres récalcitrants. Dérangé par la notion de «conscience», le ministre Guy Labarraque a intimé ses «frères et sœurs» d'opter pour l’expression d’«empêchement». Selon lui, cela éviterait au ministre de devoir «se justifier à titre personnel», en le privant du soutien de son Eglise. Ce à quoi la pasteure Martina Schmidt, qui a plaidé en faveur de la «clause de conscience» en vertu de la «liberté religieuse», a argué qu’on créait là «un problème qui n’en est pas un».

Discrimination?

Pourtant, selon l’étude de trois juristes de l’Université de Bâle publiée en 2019, et dont le délégué Olivier Leuenberger a rappelé l’existence, il ne serait pas exclu qu’un tel refus expose à des poursuites pénales, ce en raison de l’extension de la norme pénale antiraciste (CP. art 261 bis) à la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, acceptée dans les urnes le 9 février 2020. Interrogée par Protestinfo à ce sujet en juillet, la présidente du Conseil d’Etat vaudois Christelle Luisier Brodard n’a pas démenti ce risque. Il reviendrait de fait au premier magistrat éventuellement placé face à une telle plainte de trancher entre liberté religieuse et discrimination.

Lieux de culte pas assez prêtés aux laïcs

Au moment des interpellations, il a été demandé au Conseil synodal sa position quant à l’utilisation des lieux de culte vaudois par des tiers. En effet, une motion avait été posée au Grand Conseil en août dernier par l’ancienne députée vert’libérale Claire Richard, avant d’être transmise au Conseil d’Etat. La question de l’ancienne déléguée de l’Etat auprès du Synode portait sur le fait que ces locaux, propriétés des communes, seraient souvent inutilisés, les Conseils de paroisse s’opposant parfois trop arbitrairement aux demandes d’utilisation faites par des tiers pour des activités laïques. Vincent Guyaz, vice-président du Conseil synodal, a indiqué qu’un groupe de travail a été créé cet été, entre le Conseil synodal, l’Association des communes vaudoises (AdCV) et l’Union des communes vaudoises (UCV), pour «aborder sans tabou le défi de l’utilisation des lieux de culte dans le canton». Ce groupe attend la réponse du Conseil d’Etat, qui devrait arriver dans les semaines à venir. Son but est de parvenir «à liens harmonieux entre les Conseils de paroisse et les Communes». L.V/Protestinfo