Le temps envahit l’espace
Sophie Bouvier Ausländer nous reçoit dans une église vide. Ou presque. Les chaises ont été enlevées afin d’installer, à l’aide de nacelles, son œuvre Le Temps de la fin. L’aménagement occupe à sa manière l’espace laissé libre par les bancs. Les yeux levés, le visiteur peut observer de nombreuses bandes de film étirable noires qui semblent s’échapper en explosant de l’orgue. Le Temps de la fin et une seconde installation dans la chapelle font partie de l’édition 2025 du projet de l’Association l’hospitalité artistique à Saint-François. Tous les deux ans, l’art investit l’église. En fonction d’une thématique choisie en comité, un·e artiste est invité·e. Cette année, c’est le temps qui a été choisi. Pour Sophie Bouvier Ausländer, les démarches ont commencé il y a deux ans déjà et la première étape a été de rencontrer la philosophe Aurore Dumont, avec laquelle elle a pu échanger sur le concept. Mais l’artiste a carte blanche. Elle peut décider de suivre la thématique. Ou non.
Sur la durée de la musique
Elle l’a fait. Le temps, thématique aux facettes infinies, n’avait encore jamais auparavant fait l’objet d’un travail pour Sophie Bouvier Ausländer. Même si, la souplesse de l’art aidant, la dimension temporelle est toujours à trouver quelque part. «Je travaille plutôt des questions d’espace et, forcément, l’espace est toujours lié au temps. Ce n’est donc pas quelque chose qui m’est étranger ou repoussant.» Et si l’orgue est au centre de son œuvre, ce n’est pas pour rien. «La musique est un art temporel par excellence, qui s’exprime à travers la durée. D’autant plus que c’est un élément architectural très important dans cette église. La mélodie est produite par l’expulsion de l’air des tuyaux et ce mouvement dynamique est donné par les rayons qui s’en échappent.» Un mouvement créé par le film plastique, originellement utilisé pour emballer des palettes, tendu entre l’instrument et diverses colonnes de l’église.
Des toiles suspendues
Sur le côté, au sein de la chapelle de Billens, l’artiste a installé une seconde œuvre plus intimiste. Call me Ishmael, d’après le roman d’Herman Melville Moby Dick, consiste en quatre toiles suspendues qui forment une peinture recouverte, en volume, d’un filet. «Le Temps de la fin met en évidence la rupture. Là, on est plus dans le temps de la continuité. Une continuité dans les dimensions, entre les ombres, le volume, la surface.» Là aussi, le temps est représenté par les quotidiens papier qui ont servi à créer le filet suspendu à des jalons noirs. L’église Saint-François, Sophie Bouvier Ausländer la connaît comme une voisine. Mais pour y installer son œuvre, il a fallu la voir sous un autre angle. «L’espace invite vraiment à être impactant, ambitieux. Et en même temps, je garde en tête que pour la plupart des gens qui entrent ici, il y a plus grand que ce que je propose. C’est-àdire leur foi et le Dieu qu’ils viennent prier.» Les deux installations bouleverseront l’espace de la nef, donnant le temps d’observer l’église de 750 ans à travers toutes sortes de dimensions.
Côté pratique
«Contretemps» à Saint-François, jusqu’au 19 octobre. Rencontre avec l’artiste le jeudi 16 octobre, à 19h. Plus d’informations sur sainf.ch.