Ce futur qui ouvre le présent

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Ce futur qui ouvre le présent

Conviction
Invérifiable mais ne laissant place à aucun doute, l’espérance, que le français différencie de l’espoir, permet aux humains d’avancer.

Souvent considérés comme synonymes, espoir et espérance ouvrent pourtant sur des registres différents. «L’espoir se joue dans un horizon de réalisation qui est à portée humaine. Il est vérifiable, mais porte en lui le doute. On espère une guérison, par exemple», explique Dimitri Andronicos, codirecteur de Cèdres formation, le service de formation d’adultes de l’Église réformée vaudoise. «Au contraire, l’espérance est une confiance qui n’a rien de vérifiable. Elle est promesse de rétablissement, de justice et de réparation dans une autre temporalité.» Mais cette promesse, qui ne trouve sa réalisation que de manière différée, est porteuse de sens ici et maintenant. «C’est parce que j’ai cette conviction de cette version du futur que mon présent peut s’ouvrir», explique le théologien et éthicien. «Au contraire, l’espoir n’ouvre que sur un horizon limité.» 

Espérance en évolution

Mais le contenu même de cette espérance a évolué au fil des siècles. «Pour le philosophe Emmanuel Kant, par exemple, l’espoir, c’était que l’humain puisse être pleinement moral», explique Dimitri Andronicos. «On peut aussi se demander quelle était l’espérance portée par le peuple d’Israël durant la traversée du désert. Probablement qu’il espérait plus encore que de connaître la Terre promise. Il voulait vivre une relation avec Dieu plus intense. 

«L’espérance prend tout son sens quand il n’y a plus d’espoir »

«L’espérance aujourd’hui a tendance à se comprendre dans une forme d’utopie liée au progrès.» Michael Esfeld, professeur de philosophie des sciences à l’EPFL, en donne un exemple: «Au début du XXe siècle, au temps de l’American dream, on était sûr que les conditions de vie de ses enfants seraient meilleures que les siennes. Cela n’est plus le cas aujourd’hui. Cela explique un retour à des valeurs comme la sobriété et un gain d’intérêt pour la philosophie.» Il différencie toutefois: «Il est clair que la situation n’est plus celle qu’a pu connaître Platon, par exemple. On n’attend plus des philosophes des savoirs que nul autre n’aurait pu avoir.» Ce rôle se serait plutôt dévolu à la science. «On a tendance à demander aujourd’hui aux scientifiques ce que l’on attendait de l’Église il y a encore deux siècles!» 

Entre sens et espérance

«Depuis que l’on a admis dans le domaine médical que tout ne s’expliquait pas par des paramètres biochimiques, mais que des aspects psychologiques ou sociologiques avaient des impacts sur le traitement, on s’est intéressé aux différentes visions du monde des patients, regroupées pour certains sous le terme de ‹hope›, ‹espérance › ou ‹espoir› en anglais.», relate Pierre-Yves Brandt, professeur de psychologie de la religion à l’université de Lausanne. «Tout un mouvement de la psychologie, appelé ‹psychologie positive›, s’est intéressé à ce qui cause la joie, l’amour, la compassion, etc., à leur impact, par exemple sur la capacité d’un patient à suivre un traitement, à se mobiliser», complète-t-il. 

«Mais ces valeurs ne se définissent pas si simplement. Par exemple, il ne faut pas confondre sens de la vie et espoir, car lorsque l’on demande à des personnes en fin de vie si leur vie a un sens, il se peut qu’elles répondent non. Ce qui n’empêche pas qu’elles puissent en même temps avoir beaucoup d’espérance», relate le chercheur. Pour des patients plus jeunes, ces réponses seront davantage inversées. «L’espérance prend tout son sens quand il n’y a plus d’espoir», conclut Dimitri Andronicos qui insiste sur le fait que l’espérance doit ouvrir sur autre temporalité.

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