Un podcast pensé pour les personnes migrantes et âgées

Le manque de compétences numériques de ses bénéficiaires a incité l'EPER à trouver des solutions originales, comme ici, le podcast. / © HEKS
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Le manque de compétences numériques de ses bénéficiaires a incité l'EPER à trouver des solutions originales, comme ici, le podcast.
© HEKS

Un podcast pensé pour les personnes migrantes et âgées

Tout-terrain
Avec la disparition des rencontres de visu, l’EPER a dû trouver une solution pour garder le contact avec ses bénéficiaires. Son nouvel outil, le podcast, permet aussi de répondre à l’illettrisme numérique.

Mosquées albanaise et bosniaque, missions catholiques, salles associatives… Avant la pandémie, l’EPER, à travers son programme «Age et migration», organisait des rencontres dans toute une série de lieux. Ces rendez- vous réguliers étaient destinés à des communautés de migrant·e·s âgé·e·s et isolé·e·s, sur Vaud, Genève, mais aussi en Argovie, à Soleure, ou à Zurich. Pour des personnes résidant en Suisse mais parlant très peu les langues nationales, ces réunions étaient cruciales, car «on donnait des informations sur la Sécurité sociale et la santé, sur la retraite, sur les démarches à faire en cas de retour dans le pays d’origine…», détaille Elma Hadzikadunic, responsable du programme «Age et migration» côté romand.

Avec la pandémie, l’EPER a bien tenté de basculer ces rendez-vous en rencontres virtuelles. Mais, très vite, le constat a été évident: «Toutes les options par le biais d’outils comme Zoom ou Skype ont échoué. Ce public vit une vraie fracture numérique.» Une fracture qui s’explique par deux difficultés : d’abord le faible équipement en ordinateurs et ensuite le manque de maîtrise de ces logiciels de communication. Si les seniors internautes en Suisse sont toujours plus nombreux, une grande majorité d’entre eux surfe en effet… à l’aide d’un smartphone (Pro Senectute, Etude digital seniors, 2020). Et une minorité reste à la marge.

Solution inclusive

Forte de ce constat, l’EPER a voulu développer une solution à distance «simple et accessible», raconte Elma Hadzikadunic. Après diverses tentatives et réflexions, c’est finalement le podcast qui a été retenu. Ce format présente en effet une série d’avantages pour les personnes migrantes et âgées. D’abord, « la radio est un média d’accompagnement vieux comme le monde », qui peut facilement s’enregistrer dans les différentes langues parlées par les bénéficiaires (portugais, bosniaque/croate/serbe, albanais…), en récoltant au préalable les questions des personnes concernées. Dans la déclinaison podcast d’une émission, nul besoin d’assister à l’échange en direct, comme au cours d’un «live» Facebook, autre option que l’EPER a d’abord considérée. Enfin, et surtout, le podcast peut être diffusé au moyen d’un simple lien, envoyé par smartphone. Or, «quasi toutes les personnes concernées ont un smartphone et utilisent des applications comme WhatsApp ou Viber pour garder le lien avec leur entourage resté au pays», constate Elma Hadzikadunic. L’EPER diffusera donc dès ce printemps une série d’émissions sur les droits du travail pour les employé·e·s de l’économie domestique, prendre soin de sa santé mentale, préparer sa retraite…

Illectronisme numérique

Pour l’EPER, toute cette expérience reste «une phase de test» qui, pour le moment, concernera environ 500 personnes. Mais, à terme, l’organisation d’entraide envisage de décliner cette offre pour d’autres publics. «L’illectronisme ou l’illettrisme numérique, c’est-à-dire l’incapacité à utiliser certains outils informatiques, ne concerne pas que les seniors, on fait ce constat dans d’autres projets de l’EPER, notamment auprès des migrants», assure Elma Hadzikadunic.

D’une manière générale, l’illectronisme concerne une part importante de jeunes en Suisse: 30 % des 9 - 16 ans n’utilisent presque jamais d’ordinateur, selon une étude de Jeunes et médias. Or, pianoter sur son smartphone ne présuppose pas l’utilisation de logiciels aujourd’hui considérés comme basiques, comme Word ou Excel. Un constat qui pourrait inviter tous les fournisseurs de services publics en ligne à revoir leurs outils. Ou à former leur utilisateurs et leurs utilisatrices.

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