Interdit de conseiller spirituel lors de son exécution

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Interdit de conseiller spirituel lors de son exécution

Mark Silk, RNS/Protestinter
8 avril 2019
La Cour suprême des États-Unis a interdit à un condamné à mort musulman d’être accompagné d’un imam lors de son exécution. Par contre, la requête d’un détenu bouddhiste également dans le couloir de la mort a été acceptée.

En février, par un vote de 5 contre 4, la Cour suprême des États-Unis a rejeté la requête d’un condamné à mort dans l’État d’Alabama. Il avait demandé que son exécution soit reportée afin que son imam puisse être à ses côtés au moment de sa mise à mort. Les autorités pénitentiaires avaient rejeté la demande parce que leur règlement autorisait uniquement l’aumônier chrétien de la prison à être présent dans la chambre d’exécution.

Dans tous les cas, pour de prétendues raisons de sécurité, l’imam de Domeneque Ray aurait dû rester de l’autre côté de la vitre, avec les autres observateurs. La Cour n’a trouvé aucune violation de la Clause d’établissement du premier amendement qui interdit l’établissement d’une religion nationale ou la préférence d’une religion sur une autre. Domeneque Ray a été exécuté sans l’accompagnement de son imam.

Fin mars, la Cour s’est penchée sur une affaire pratiquement identique concernant un détenu texan qui souhaitait être accompagné de son conseiller spirituel bouddhiste. Mais cette fois, trois juges - Samuel Alito, Brett Kavanaugh et John Roberts - ont changé d’avis et l’exécution a été suspendue.

Des traitements différents

Qu’est-ce qui les a fait changer d’opinion? Brett Kavanaugh a expliqué sa position comme suit: «Dans ce cas, la politique texane permet à un détenu d’avoir un conseiller religieux chrétien ou musulman employé par l’État, soit dans la salle d’exécution, soit dans la salle d’observation adjacente. Mais les détenus d’autres confessions religieuses - par exemple, les détenus bouddhistes comme Murphy - qui veulent que leur conseiller religieux soit présent peuvent le faire uniquement dans la salle d’observation et non dans la salle d’exécution elle-même. À mon avis, la Constitution interdit une telle discrimination confessionnelle.»

C’est exactement ce que soutenait la juge Elaine Kagan dans sa prise de position dissidente appuyant la requête de Domeneque Ray. Pourquoi Brett Kavanaugh adopte cet avis dans le cas de Murphy et pas dans celui de Domeneque Ray?

La requête de Domeneque Ray a été rejetée pour le motif selon lequel elle n’a pas été faite dans les temps. Nous le savons parce que le juge Neil Gorsuch, qui a refusé, avec Clarence Thomas, les deux cas, l’a déclaré dans une prise de position pour une autre requête similaire, rejetée par la Cour. Et dans une note de bas de page, Brett Kavanaugh affirme que la pétition de Murphy était «dans les délais».

Murphy a déposé sa requête un mois avant son exécution prévue. Quant à lui, Domeneque Ray a déposé son dossier une semaine avant son exécution, et seulement cinq jours après avoir appris que le règlement de la prison (que la prison avait jusque-là refusé de lui donner) empêchait son imam d’être avec lui. Jusque-là, il ne lui restait plus qu’à suivre la loi de l’État identifiant «le conseiller spirituel du condamné» comme l’un de ceux qui pouvaient être présents à une exécution.

En d’autres termes, une différence de trois semaines, liée au refus de l’État de fournir les informations nécessaires, était suffisante pour que Brett Kavanaugh et les deux autres renoncent à l’interdiction constitutionnelle de favoriser une religion par rapport à une autre. Beaucoup d’observateurs ont trouvé cela difficile à croire.

Racisme et xénophobie?

Certains ont prétendu que ce qui distinguait vraiment les deux cas était le racisme et l’islamophobie - que la requête de Domeneque Ray avait été rejetée parce qu’il était afro-américain et musulman, alors que Murphy était un homme blanc et bouddhiste.

D’autres ont laissé entendre que les personnes qui ont changé d’avis ont été influencées par les critiques de la droite qui a salué la réponse de la Cour à la requête de Domeneque Ray. En effet, l’ONG Le Becket Fund qui défend la liberté religieuse et qui a pris les devants dans de nombreuses affaires liées à cette question a déposé un mémoire d’amicus curiae au nom de Murphy, cette procédure juridique exceptionnelle soutenait la position des opposants au cas de Domeneque Ray.

Les deux explications ne s’excluent pas mutuellement. Mais à l’avenir, je dirais qu’il y a eu un petit pas en avant pour le pluralisme religieux en Amérique. Les États qui se sont engagés à procéder à des exécutions feraient bien de permettre à ceux qui sont sur le point de mourir d’être accompagnés par le conseiller spirituel de leur choix.

Entre-temps, les priorités de l’aile conservatrice nouvellement renforcée à la Cour suprême sont devenues un peu plus claires. Pour John Roberts, Samuel Alito et Brett Kavanaugh, les règles religieuses du pays comptent plus que pour Neil Gorsuch et Clarence Thomas, dont l’enthousiasme pour la peine de mort, semble-t-il, ne connaît aucune limite spirituelle.

Mark Silk, RNS/Protestinter