Le «faire» et le «care», si nécessaires

La première édition des Assises diaconales romandes s'est tenue le 5 novembre.
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La première édition des Assises diaconales romandes s'est tenue le 5 novembre.

Le «faire» et le «care», si nécessaires

12 novembre 2021
Le 5 novembre dernier se sont tenues les premières Assises diaconales romandes, organisées par Diaconie Suisse. Utile bien qu’encore modeste, le séminaire a été l’occasion de riches débats informels et de tentatives de définition du sens de l’action diaconale.

«On commence petit, mais il y a du répondant», s’est félicitée Jacqueline Lavoyer-Bünzli. Pour la membre du comité de Diaconie Suisse et organisatrice des premières Assises diaconales romandes, qui se sont tenues le 5 novembre dernier au Centre paroissial Saint-Jacques à Lausanne, la vingtaine de participants présents était plus qu’encourageante. Organisées dix ans après le Forum de la diaconie à Montmirail (NE), ces Assises devaient être une occasion de «repérer les défis actuels de la diaconie» et de refaire un pointage sur les modalités de la solidarité des Églises envers les plus vulnérables.

Pour autant, plusieurs participants se sont dit étonnés de la petitesse de l’événement. «Ne soyez pas modestes!» s’est exclamée Tamara Gasteiner, diacre suffragante de la paroisse de l’Arnon (VD). Jacqueline Lavoyer-Bünzli a justifié le nombre réduit de places en raison des mesures Covid et a également expliqué que «ce n’est qu’une étape dans la relance du dialogue autour de la réalité diaconale en Suisse romande. Et puisqu’elle est réussie, poursuivre ce cheminement en l’élargissant aura ensuite tout son sens.»

«Les Églises réformées cantonales n’ont peut-être pas relayé l’invitation aussi activement que nous l’aurions souhaité», a toutefois regretté Jacqueline Lavoyer-Bünzli, en assurant que l’événement avait été signalé par la faîtière des Églises réformées de Suisse (EERS). «Mais on ne va pas laisser retomber le soufflé et l’événement grandira, car le besoin d’un partage d’expériences est là», a-t-elle ajouté.

La diaconie au centre

Effectivement, Jacqueline Lavoyer-Bünzli avait vu juste. Car, de leur aveu à tous, les participants se disent «jaloux» en écoutant la conférence donnée, dans la matinée, par Alessandra Trotta. Pendant une heure, la modératrice de l’Église vaudoise du Piémont (Italie) a en effet montré comment le travail diaconal se déployait avec brio sur son territoire paroissial. Entre bénévolat, éducation, centres de rencontre pour les demandeurs d’asile et couloirs humanitaires, cette petite Église aux 20'000 membres suscite l’admiration des Romands. Pour eux, la priorité est de remettre, en Suisse romande, «la diaconie au centre».

«Si la diaconie n’est plus un thème, alors nos Églises non plus», lâche Mario Giacomino, conseiller synodal et diacre de la paroisse de Monthey. Pour le Valaisan, les Églises doivent devenir en effet «des lieux d’accueil», car «le culte, devenu parfois moins vivant, concerne de moins en moins de monde.» «Il s’agit en tout cas d’ancrer le spirituel dans le concret», relève Jean-Marc Leresche, diacre de la paroisse de La Neuveville (NE). Mais comment faire? Le pasteur vaudois Raymond de Rham l’avoue très humblement: «Je cherche encore la réponse.»

Problèmes de riches

Mais quelle diaconie? Si Jacqueline Lavoyer-Bünzli balaie l’idée de la redéfinir ce jour-là, elle justifie son choix avec humour: «Si on se lance dans cette discussion, on y sera encore cette nuit.» Dans l’assistance semble tout de même subsister un souci de fond. Un ministre neuchâtelois dira d’ailleurs: «Cela fait douze ans que je suis diacre, mais je ne sais toujours pas ce qu’est réellement ma fonction.» Ce qui est sûr, en tout cas, pour Raymond de Rham, c’est que «la diaconie est sans arrêt confrontée au même dilemme: continuer avec moins d’argent.»

«L’Église a surtout des problèmes de riches et devrait se tourner davantage vers la diaconie, où les moyens financiers sont finalement un détail, et finissent toujours par se trouver», assène encore Mario Giacomino, qui voit réellement dans la diaconie un moyen de promulguer du sens: «Quand on est dans le "faire", c’est là qu’on touche à l’essentiel.»

Rattraper les croyants par l’humain

Le «faire», c’est justement ce que Jacqueline Lavoyer-Bünzli voulait mettre au centre de cette journée d’Assises. En clôture du séminaire, elle présente un document, sur le point d’être finalisé, au sujet des «Caring communities», inspirées des communautés de soutien anglo-saxonnes. Un concept découlant du «care», c’est-à-dire le soin apporté aux autres, sur lequel l’EERS, co-éditrice du document avec Diaconie Suisse, a décidé de se pencher sérieusement. Le document est clair: aujourd’hui, dans toutes les structures familiales ou de travail, il existe «un manque de disponibilité, en particulier en termes de présence», «l’attention à l’autre et le soutien se délitent». L’idée principale est donc de rendre possible, à travers les paroisses, un partage de ressources et de connaissances plus large et mieux organisé, afin de faire profiter de ces bienfaits non pas seulement «à l’interne», mais «à toute une collectivité locale».

Concrètement? «Il est en tout cas question de sortir de nos temples et de nos Églises», recommande Mario Giacomino. «Pratiquer de la diaconie-alibi n’est pas dans l’intérêt de notre institution. Les besoins en la matière changent continuellement», ajoute Jacqueline Lavoyer-Bünzli, avant que la discussion se remette naturellement sur les rails de la quête de sens. Plusieurs pistes sont alors énoncées: «rêver l’Église ensemble», «continuer à agir de façon ouverte», «se mettre en marche»… «On a toujours dit et fait ça, et pourtant, il y a bien quelque chose qui coince», signale l’un des participants. L’assemblée tombe d’accord: la désaffection des croyants, plus qu’inquiétante, doit pouvoir être freinée par l’humain. La diaconie, donc... Et s’il existait, le doute s’envole définitivement: ces Assises diaconales romandes, en s’inscrivant dans la durée, n’en finiront pas d’être nécessaires.