Guigues le Chartreux: «Lis, médite, prie et contemple!»

Gravure de Wenceslaus Hollar (1607–1677) représentant l'échelle de Jacob / ©Public domain, via Wikimedia Commons
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Gravure de Wenceslaus Hollar (1607–1677) représentant l'échelle de Jacob
©Public domain, via Wikimedia Commons

Guigues le Chartreux: «Lis, médite, prie et contemple!»

Méditation
Au XIIe siècle, un moine solitaire offre un guide toujours valable pour «prier les saintes Ecritures».
Un jour, je commençai à penser à la recherche spirituelle de l’homme. Soudain s’offrirent à ma réflexion quatre degrés: la lecture, la méditation, la prière, la contemplation.
Guigues le Chartreux, L’Echelle des moines (XIIe siècle)

Le XIIe siècle constitue une sorte d’apogée dans l’histoire du monachisme et de la spiritualité: bien des figures d’envergure y ont émergé, qui continuent d’inspirer les chrétiens d’aujourd’hui. Parmi elles, un moine chartreux: Guigues II.

Ce solitaire a laissé quelques brefs écrits: surtout des textes sur la prière, reflets de l’expérience de son auteur et témoignage éloquent de la vie monastique au Moyen Age. Une lettre en particulier a fait fortune: adressée à un certain frère Gervais, elle approfondit ce qu’est la vie contemplative. Ce texte a été continuellement recopié et réédité, sous le titre L’Echelle des moines, pour rester durant plus de huit siècles un classique de la spiritualité. Guigues le Chartreux y présente quatre degrés pour avancer dans l’intimité avec Dieu, comme une échelle permettant d’accéder au ciel – à l’instar de celle de Jacob (voir Genèse 28, 12). Voici ce qu’il écrivit: «Un jour, pendant le travail manuel, je commençai à penser à la recherche spirituelle de l’homme, et soudain s’offrirent à ma réflexion quatre degrés: la lecture, la méditation, la prière, la contemplation.

La méditation est une opération de l’intelligence

La lecture est l’étude attentive des Ecritures, faite par un esprit appliqué.

La méditation est une opération de l’intelligence, procédant à la connaissance studieuse d’une vérité cachée.

La prière est une adhésion religieuse du cœur à Dieu pour éloigner des maux ou obtenir des biens.

La contemplation est une certaine élévation en Dieu de l’âme attirée au-dessus d’elle-même et savourant les joies de la douceur éternelle.»

Un chemin de liberté

Dans cet itinéraire de vie spirituelle, Guigues invite son correspondant à «prier la Parole», à travers les étapes de ce que nous appellerions aujourd’hui la lectio divina. Mais attention, avertissent les commentateurs de ce texte, le schéma qu’offre le prieur de Chartreuse ne fournit pas une marche à suivre mécanique: c’est bien plutôt l’indication d’un chemin de liberté, une pédagogie inspirée par l’Esprit. Car dans la pratique, la méditation à laquelle ouvre la lecture biblique se transforme bien souvent en prière, ou en contemplation, sans que cela soit calculé. Il n’y a pas de frontière précise ni de déroulement chronologique absolu entre ces divers moments : plus que d’une technique, il s’agit d’un art!

Guigues invite ainsi son lecteur à laisser la rencontre avec le Seigneur irriguer sa vie même. Alors, comme pour les moines médiévaux, la Parole méditée animera chacune des paroles et des actions de qui l’accueille.

Une vie de silence

On ne sait que peu de choses de Guigues, si ce n’est qu’il vivait reclus dans la Grande Chartreuse, cet important monastère isolé des Alpes françaises.

Ce style de vie retiré et l’amour du silence qui caractérise la spiritualité cartusienne expliquent la discrétion des sources.

Guigues fut pourtant prieur de Chartreuse entre 1173 et 1180. Il doit être mort vers 1188. Si on le désigne souvent sous le nom de Guigues II, c’est pour le distinguer de son homonyme Guigues Ier, prieur de la Grande Chartreuse un demi-siècle avant lui, qui avait codifié dans ses écrits la vie cartusienne et rédigé de célèbres Méditations.