
L’Église protestante de Genève résolument œcuménique
Ce sondage, effectué en juin, portait sur les relations œcuméniques et interreligieuses des membres de l’Église protestante de Genève (EPG). Les présidents de paroisse et les membres du Consistoire, notamment, ont donc été invités à répondre à un questionnaire en ligne. La moitié des réponses recueillies émane de ministres, l’autre de laïcs. « La représentativité est bonne et reflète la diversité de l’EPG », a indiqué Marc Vuilleumier Stückelberg, membre de la Commission pour les relations œcuméniques et interreligieuses de l’EPG.
Nos amis catholiques
Parmi les 24 communautés protestantes et évangéliques avec lesquelles l’EPG entretient des relations, deux se détachent par la fréquence des échanges (30%) : l’Église évangélique libre et l’Église protestante luthérienne. Toutefois, en ce qui concerne les communautés évangéliques en général, les désaccords sur la question LGBTIQ+ constituent un obstacle majeur à la concorde. À l’opposé, un sentiment d’unisson sur cette même question rend la collaboration avec la Pastorale des familles de l’Église catholique romaine (ECR) « excellente » pour l’accueil des fidèles LGBTIQ+ au sein de l’Antenne LGBTI Genève, ministère cantonal de l’EPG pour les questions LGBTIQ+.
Les célébrations œcuméniques avec l’ECR sont largement vécues à travers tout le canton (> 95% des répondants), même si Église protestante est souvent perçue comme le moteur de la démarche, en raison d’une plus grande implication de ses ministres. Parfois aussi, la crainte de dissiper ses forces au bénéfice d’une autre Église pointe chez les protestants. Ils citent tout de même de « beaux exemples de collaborations », par exemple lors de fêtes villageoises, de groupes de partage, ou de parcours d’éveil à la foi pour les jeunes.
De manière générale, les résultats confirment l’orientation œcuménique de l’EPG. La principale motivation à entretenir des relations intercommunautaires ou interreligieuses est l’enrichissement mutuel (85%), suivie du sentiment d’unité (85%) et de l’intérêt pour les activités en commun (70%). Quant aux freins, les répondants citent en premier lieu le manque de temps (50%), le peu de réceptivité ou de disponibilité des autres communautés (45%) et les divergences d’opinion, qu’elles soient théologiques ou sociétales.
Petites églises chrétiennes
L’EPG nourrit des relations œcuméniques avec onze autres Eglises chrétiennes, mais en raison de leur petite taille, les liens sont ténus et/ou géographiquement limités. Quant aux communautés non-chrétiennes avec lesquelles l’EPG a pu établir un dialogue interreligieux, on peut citer la communauté juive libérale (47%), la communauté musulmane albanophone Dituria (30%) et la communauté Baha’ie (24%). Les contacts personnels sont fréquemment cités comme l’élément clé pour renforcer les liens. La Plateforme interreligieuse de Genève (PFIR) joue également un rôle facilitant.
À présent, l’EPG entrevoit des pistes pour aller de l’avant, comme l’organisation d’une journée des ministres ou la création éventuelle d’une pastorale œcuménique, dans les régions où cela n’existe pas encore. Par ailleurs, le regroupement de certaines activités avec d’autres églises chrétiennes pourrait représenter une opportunité pour contrebalancer la réduction des forces ministérielles, en permettant d’atteindre une masse critique malgré la diminution du nombre de protestants. « Cela contribuerait à diffuser un message d’ouverture », a déclaré Marc Vuilleumier Stückelberg.
Rayonnement international
L’Église protestante de Genève est en lien avec plus de trente Églises sœurs sur cinq continents par l’intermédiaire de la Cevaa, communauté d’Églises protestantes en mission qu’elle a contribué à fonder en 1971. La Ceeva propose et mène des actions tels que séjours d’échange pour les jeunes, partages de ressources, formations (animation théologique, théologie interculturelle, etc.) et financement de projets d’Église (par exemple, radio d’Église). À la question de savoir si l’EPG souhaite rester membre de la Cevaa, le Consistoire a répondu par l’affirmative. « La Cevaa est un lieu privilégié pour élargir notre horizon », a souligné Martine de Félice, membre EPG de la Coordination Projets de la Cevaa. « Les liens que nous entretiendrons et ferons peut-être fructifier à l’avenir dépendent grandement de notre capacité à participer activement », a précisé Myriam Sintado, membre du Conseil du Consistoire et référente stratégique pour le dicastère « Mission à l’international »
Pendant des années, le financement de la participation de l’EPG, ainsi que celle des autres membres de la CER, était assuré par DM-échange et mission, à hauteur de 250 000 €. Mais, par manque de ressources, DM a décidé de réduire graduellement les versements à zéro dès 2028. En raison de ce désengagement, des discussions ont été menées à l’échelle romande pour explorer la possibilité d’un financement pour l’ensemble des églises membres de la CER, via cette dernière. Soutenue par l’EPG, cette solution n’a pas été validée par l’Assemblée générale de la CER, qui a reporté la question au printemps 2026. C’est donc dans le cadre d’une consultation que l’EPG a dû se positionner sur l’avenir de son adhésion à la Cevaa. En l’occurrence, elle entend la maintenir en continuant à verser librement une contribution annuelle de 8000 francs, dont elle s’acquitte depuis une bonne dizaine d’années déjà.
Au surplus, l’EPG se laisse la possibilité ouverte de verser une somme plus importante en cas de résultats financiers excédentaires. À noter que le résultat du vote genevois était attendu par certains membres de la CER qui ne sont pas encore positionnés.
Licence liturgique
« L’Église protestante de Genève n’a plus de liturgie propre », a déploré Emmanuel Rolland, Secrétaire général adjoint à la mission de l’EPG. Ce qui est devenu une normalité revêt en fait un caractère historique exceptionnel. En effet, entre le 16e siècle et le milieu du 20e siècle, l’EPG a toujours disposé d’une liturgie. En 1542, Jean Calvin lui en a composé une, qui sera régulièrement actualisée, puis enrichie de prières issues du courant « libéral ». Mais, depuis les années 80, chaque ministre de l’EPG en est réduit à composer lui-même sa liturgie. « Quels qu’en soient les résultats, cette pratique, dont nous apprécions les avantages, comporte des limites qu’un demi-siècle de recul met aujourd’hui en évidence », a fait remarquer Emmanuel Rolland, Secrétaire général adjoint à la mission de l’EPG.
En l’état, la liturgie « n’est plus l’œuvre d’une Eglise, mais le produit de l’imagination ou du choix de tel ou telle ministre qui, chaque dimanche, compose en fonction de l’inspiration du moment et du temps à disposition. N’est-il pas temps d’essayer de redonner à nos cultes une colonne vertébrale grâce à une liturgie communautaire adaptée à notre temps, puisant à la fois dans les trésors de la tradition et dans les acquis de notre réalité ecclésiale genevoise : inclusivité, diversité, œcuménisme ? » Cela encouragerait sûrement la participation des fidèles en leur donnant des repères.
Dons et legs en recul
Sur la question des finances, le Consistoire a approuvé le budget 2026, qui montre un résultat final déficitaire de 89 328 francs. Pour assurer sa mission, l’EPG dépend toujours largement de dons et de legs, qui sont en l’occurrence en recul. Si les dons versés pour être utilisés dans un but précis sont stables, les dons libres sont en régression depuis des années, et les revenus pérennes n’augmentent pas suffisamment vite pour compenser ces pertes.
« L’Église protestante de Genève doit donc continuer à agir de toutes ses forces sur ces dimensions afin de les équilibrer au plus vite », a souligné Yllka Abdullahi, nouvelle responsable financière. C’est d’autant plus important que l’EPG vit actuellement des événements majeurs, comme la transformation du temple de Saint-Jean en une Église des Enfants, dont le chantier devrait pouvoir commencer en 2026.
1 www.cevaa.org

