Les véganes veulent changer le monde, convertissez-vous!

i
[pas de légende]

Les véganes veulent changer le monde, convertissez-vous!

20 août 2018
Avec ses adeptes prosélytiques et convaincus de détenir la vérité, le véganisme est-il devenu une religion?

«En 2016, la province d’Ontario au Canada a envisagé, un temps, de reconnaître le véganisme comme “une croyance non religieuse qui influence de manière substantielle l’identité, la vision du monde et le mode de vie d’un individu, (qui) peut être considérée à l’égal d’une religion”», annonce début août l’hebdomadaire français «La Vie». La publication rappelle, par ailleurs, que les véganes ont volontiers recours à un vocabulaire connoté religieusement, parlant de sanctuaires pour les animaux, de miraculés pour les bêtes ayant échappé à l’abattoir ou de nécessité de conversion et surtout que ces derniers pratiquent un prosélytisme actif.

«La Vie» fait référence à un texte du théologien allemand Kai Funkschmidt qui fin 2015 analysait le véganisme comme une «religion de substitution». Cet article «m’a aussi intéressé par ce qu’il rappelle une dimension importante: derrière des idées qui paraissent liées à des points très particuliers, il y a souvent un véritable projet de transformation du monde», commentait l’historien spécialiste des religions Jean-François Mayer en janvier 2016 sur Orbis.info dans une recension du même document.

La prétention au salut individuel et universel, l’appel à la conversion, l’affirmation d’une validité universelle de la doctrine, le sentiment d’appartenir à un groupe à part, le sens de la mission, ainsi que la présence de débats dogmatiques et de querelle confessionnelle au sein de groupes seraient autant de similarités entre le véganisme et les religions. À cela s’ajoutent bien entendu les interdits alimentaires, les relations communautaires nouées autour de la table et «les certifications véganes qui deviendraient finalement l’équivalent d’une certification kasher ou halal.» Des similitudes qui semblent d’autant plus évidentes aujourd’hui, après que les véganes sont passés à la vitesse supérieure dans leur volonté de changer la société. Au début de l’été, plusieurs boucheries et restaurants ont subi des assauts violents de la part de militants.

«On fait des conférences, on projette des films, on installe des stands d’information, on mène des enquêtes, et qu’est-ce qui se passe? Certains consommateurs se soucient davantage de la question, mais le monde politique ne réagit pas tant que l’ordre établi, qui, dans ce pays, met à mort 77 millions d’animaux chaque année, n’est pas perturbé», se désespère la militante vaudoise Virginia Markus, interrogée par «24 heures», confirmant ainsi que le véganisme n’appelle pas seulement à un changement individuel par le prosélytisme, mais surtout à un véritable changement de société.

Alors, le véganisme est-il devenu une religion? «Pour Kai Funkschmidt, du moins tel que le résume Jean-François Mayer, il y a les vraies religions d’un côté et les religions de substitution de l’autre (Ersatz religion) comme il y a le sucre et les édulcorants. Pour moi c’est une classification un peu arrogante», regrette Olivier Bauer, professeur de théologie pratique à l’Université de Lausanne. «Il y a différents systèmes de pensées qui peuvent fonctionner comme une religion pour certaines personnes, dans certaines circonstances. Le sport peut être une religion, le véganisme peut être une religion», complète-t-il.

Le théologien s’amuse à retourner le problème: «ce qui est sûr, c’est que la transition alimentaire fait penser à la conversion et que le véganisme propose une série de dogmes. On peut donc en faire une lecture théologique, tout comme d’autres lectures pourraient en être faites avec les outils d’autres sciences humaines. Mais il me semble pertinent d’en faire une lecture critique avec les outils de la théologie comme on fait une lecture critique de la religion.»

Mais la critique du véganisme provoque des réactions très émotionnelles: «Les militants véganes se comportent comme des croisés qui détiennent la vérité!», dénonce Jocelyne Porcher, sociologue et directrice de recherche à l’Institut national français de la recherche agronomique citée par «La Vie» qui rappelle qu’elle «est l’objet d’attaques virulentes depuis qu’elle a cosigné dans “Libération” une tribune, “Pourquoi les véganes ont tout faux?”» De quoi finir de nous convaincre du caractère religieux du véganisme.