Genève confirme sa volonté de se doter d’une loi sur la laïcité

© Jacques Erard / UNIGE
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© Jacques Erard / UNIGE

Genève confirme sa volonté de se doter d’une loi sur la laïcité

26 mars 2018
Après deux ans de travail en commission et 800 pages de rapport, le projet de Loi genevoise sur la laïcité a été débattu en plénum. Un groupe de députés a essayé de faire valoir que le droit existant suffit avec en arrière-fond la crainte d’accoucher d’une loi spécifiquement anti-islam.

L’urgence sur la question ayant été obtenue de justesse, le Grand Conseil genevois a débuté jeudi 22 mars un débat-fleuve sur le projet de Loi sur la laïcité. Cette première soirée de débat a donné lieu à l’acceptation de l’entrée en matière, malgré l’appel de plusieurs députés, de gauche comme de droite à ne pas légiférer sur la question, par 63 voix contre 26 et 3 abstentions.

«Ce projet est une erreur, c’est la quadrature du cercle», a plaidé le député Ensemble à gauche Pierre Vanek, rapporteur de l’un des rapports de minorité. «Nous n’avons pas besoin d’un article qui interdit le sacrifice humain. Il suffit d’avoir une loi qui interdit le meurtre!», a-t-il illustré. «C’est ouvrir la boîte de Pandore», s’est inquiété pour sa part le député Éric Stauffer (hors parti/Genève en marche). «À cause de certaines religions extrêmes, nous sommes pris de légiférite aiguë! On va finir par ne plus avoir le droit de porter nos alliances et de devoir retirer les clés de Saint-Pierre du drapeau genevois!»

«Je suis opposé à toute forme de loi qui vise à traiter le phénomène religieux comme un phénomène spécial», a prévenu Jean Batou (Ensemble à gauche). «Le danger, ce n’est pas seulement l’intégrisme religieux, le danger c’est tous les intégrismes. Il y a aussi des intégristes politiques ou des intégristes de la laïcité qui veulent nous imposer une seule façon de penser!» Le socialiste Cyril Mizrahi s’est interrogé «Est-ce qu’on a vu des gens descendre dans la rue pour demander une loi sur la laïcité? Non, les Genevois ont besoin de logement, ils ont des problèmes de transports, d’accès aux soins!» Et à quelques semaines des élections, il dénonce: «ce projet de loi est une question d’opportunité politique!»

«J’habite au Grand-Saconnex et j’entends les cris de la mosquée et les hurlements de l’Église évangélique. Et la police semble ignorer que l’interdiction des cultes de rue est encore en vigueur!», a rétorqué Magali Orsini (Ensemble à gauche). Également favorable à une loi, Pierre Gauthier (hors parti/Parti radical de gauche) a rappelé que «gouverner, c’est prévoir. Si demain nous n’avons pas les outils légaux pour réduire les intégristes de tous poils à une saine incapacité de nuire, nous n’aurons pas gouverné!»

Le débat reprendra donc dans l’après-midi du vendredi 23 mars et de nombreux amendements au texte proposé sont déjà annoncés. «Le projet de loi est le fruit d’un fragile équilibre», a prévenu le PLR Lionel Halpérin, rapporteur de majorité. «Certains membres de la commission estiment qu’il n’est pas assez strict à l’égard des religions, alors que d’autres considèrent qu’il ne laisse pas assez de place à la liberté de religion et de conscience.»

Et alors que plusieurs députés ont exprimé la crainte que cette loi ne s’oppose qu’à une seule religion, la députée du Mouvement citoyen genevois Danièle Magnin assume: «l’islam, contre lequel nous voulons nous prémunir— n’en déplaise aux bisounours qui ne veulent pas voir la réalité en face— n’est pas seulement une religion, c’est un système global qui a des implications politiques.»

Le débat risque donc d’être houleux et émotionnel. «Je voudrais éviter ce spectacle à nos concitoyens», a prévenu Éric Stauffer qui a demandé le huis clos. Ce qui lui a été refusé.

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