La Bible victime des taxes douanières voulues par Trump

Image d'illustration / © iStock/ Benedek
i
Image d'illustration
© iStock/ Benedek

La Bible victime des taxes douanières voulues par Trump

Emily McFarlan Miller, RNS/Protestinter
4 juillet 2019
Avec les nouveaux droits de douane sur des produits chinois voulus par Trump, le prix des Bibles vendues aux États-Unis pourrait prendre l’ascenseur. Les éditeurs chrétiens américains tirent la sonnette d’alarme.

Si le président américain Donald Trump obtient la hausse de 25% de la taxe d’importation sur les produits fabriqués en Chine, la lecture de la Bible pourrait devenir plus coûteuse. Pour la société propriétaire des deux plus grands éditeurs de la Bible aux États-Unis, les tarifs proposés équivaudraient à une «taxe biblique». Les taxes proposées par Trump sur 300 milliards de dollars de produits fabriqués en Chine auraient des répercussions sur les livres et autres imprimés, selon Bloomberg. Les bibles, qui sont imprimées en très grande majorité en Chine en raison de la technologie et des compétences spécialisées dont elles ont besoin pour produire, ne seraient pas épargnées.

Exempter la Bible de droits de douane

«Nous croyons que l'administration Trump n'est pas consciente de l'impact négatif que ces tarifs proposés pourraient avoir sur l'industrie de l'édition en général et qu'elle n'a jamais eu l'intention d'imposer une "taxe biblique" aux consommateurs et aux organisations religieuses», a expliqué Mark Schoenwald, président de HarperCollins Christian Publishing, dans une déclaration écrite.

«Cependant, si les livres imprimés, y compris les bibles, ne sont pas retirés de la liste de produits en provenance de Chine assujettie aux droits de douane et que ces derniers entrent en vigueur, les éditeurs réduiront leurs investissements dans leurs entreprises, les consommateurs et les organisations religieuses devront payer plus cher et les églises, écoles, ministères et organisations sans but lucratif auront moins de ressources pour sensibiliser les autres et leur faire connaître la Bible», a-t-il ajouté. L’entreprise HarperCollins possède notamment les éditions Thomas Nelson et Zondervan, deux des plus grands producteurs de bible aux États-Unis.

Mark Schoenwald a été entendu par un groupe de représentants de la Commission du commerce international des États-Unis, au mois de juin, lors d'une audience sur la question des tarifs proposés. Il était accompagné de Stan Jantz, directeur de l’association des éditeurs chrétiens évangéliques. «Le président Trump a proposé une taxe douanière allant jusqu'à 25% sur tous les produits importés de Chine, déclare Stan Jantz à l’agence de presse RNS. Les livres et les bibles ont généralement été exemptés des restrictions commerciales dans le passé. Et plus de la moitié des 100 millions de bibles imprimées chaque année le sont en Chine depuis les années 1980, a-t-il ajouté. Parmi elles, 20 millions sont vendues ou données aux États-Unis.

Une production délocalisée nécessaire

La fabrication est délocalisée en raison des exigences d'impression spécifiques pour un livre aussi complexe que la Bible. Le papier fin requis ne peut pas être utilisé dans l'impression standard, et il en va de même pour les couvertures en cuir, les reliures piquées, les pages en couleur et les encarts spéciaux comme les cartes. Selon Mark Schoenwald, la plupart des imprimeurs situés en dehors de la Chine ne disposent pas des installations nécessaires pour fabriquer les mêmes bibles. Quant à ceux qui le font, ils ne seraient pas en mesure de s’aligner sur les prix de la Chine ou de répondre à une augmentation de la demande. D'après le président de HarperCollins, aucun imprimeur américain ne se précipite pour réinvestir dans ces installations, car les tarifs proposés par Trump sont liés à un différend commercial avec la Chine et pourraient être ultérieurement levés. Stan Jantz a, quant à lui, déclaré que l'audience de la Commission du commerce international des États-Unis était une «enquête menée sur les faits» et non sur la «compétitivité», et qu'il estimait que les fonctionnaires étaient réceptifs à l'idée d'accorder une exemption pour les livres et les bibles.

Dans le cas contraire, cela pourrait déboucher sur une baisse du nombre de bibles aux États-Unis ou des bibles plus chères, voire dans un format différent que celui auquel les Américains sont habitués. Une situation qui pourrait avoir un impact plus large sur toute l'édition chrétienne et sur la capacité des ministères à distribuer des bibles. Une préoccupation partagée par de nombreux membres de l’association des éditeurs chrétiens évangéliques, selon Stan Jantz. «L'accessibilité de la Bible sera gravement compromise si les bibles et les livres ne sont pas exclus des tarifs douaniers, a-t-il déclaré dans un communiqué. Certains pensent qu'un tel tarif limiterait la liberté religieuse.»

Où sont imprimées les bibles européennes?

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la Bible n’est pas tombée dans le domaine public. Plusieurs sociétés en possèdent les droits de traduction. Elles ont aussi la charge de l’impression. Quel choix ont-elles fait? Réponses de l’Alliance biblique française et de la Société biblique de Genève.

L’Alliance biblique française (ABF) détient les droits de révision de la Bible Louis Segond: la «Bible à la Colombe» et la «Nouvelle Bible Segond», de la «Bible en français courant», de la «Bible Parole de vie», ainsi que, en coédition avec les éditions du Cerf, sur la «Traduction œcuménique de la Bible». La plupart de ces bibles sont imprimées en Corée du Sud, pour des raisons économiques, mais pas seulement. L’ABF est membre de l’Alliance biblique universelle qui regroupe 146 sociétés bibliques et représente plus de 200 pays. Ce sont leurs collègues de la Société biblique de Corée qui gèrent les impressions francophones. Mais lorsqu’elle l’AFB imprime pour la France, la Belgique et la Suisse, elle fait appel à un imprimeur italien dont le rapport qualité/prix et la rapidité de mise à disposition rivalisent avec la Corée du Sud, où il faut compter plus de trois mois avant de récupérer la marchandise.

En Suisse, la Société biblique de Genève est détentrice des droits de révision de la Bible Segond la «Nouvelle édition de Genève» et la «Segond 21». Le lieu d’impression dépend du modèle. Les grands tirages de modèle économique, sur papier recyclé, sont tirés en Allemagne, en Italie, alors que les modèles haut de gamme sont tirés en Hollande et les milieux de gamme en Biélorussie et Finlande. Des choix qui relèvent de considérations économiques, mais aussi de qualité, de délais et de spécificités techniques, tels que le format, le tirage, les reliures. Quant aux petits tirages des bibles en langues minoritaires, subventionnées par des dons, elles sont imprimées en Corée du Sud ou en Chine.