Anthony Feneuil: «Je prône l'intranquillité de la foi»

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Anthony Feneuil
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Anthony Feneuil: «Je prône l'intranquillité de la foi»

Anthony Feneuil
Le chercheur de 37 ans est maître de conférences en théologie à l’Université de Lorraine (Metz, France) et déjà l’auteur de quatre ouvrages à son nom. Rencontre avec Anthony Feneuil, qui examine la question du doute et de l’identité dans deux livres fraîchement parus.

«Savetier, j’aurais pu être roi. Roi, j’aurais pu être mendiant.» C’est ce que vous évoquez dans L’Individu impossible. Pourquoi se poser la question «Qui aurais-je été si…»?

Les réponses apportées à cette question par la tradition philosophique n’ouvrent que sur une impasse. «Résigne-toi à n’être que ce que tu es!» J’éprouve une résistance à cette idée. Car nous sommes aussi tous ceux et celles que l’on n’est pas. C’est ce qui fait qu’il y a une solidarité humaine fondamentale. L’identité doit se penser en relation avec tous les autres. L’individu impossible, c’est-à-dire le fait qu’un même individu puisse être à la fois ce qu’il est et ce qu’il n’est pas, permet de passer de la notion d’individu à celle de personne.

Le cinéma de Rohmer et la théologie vous servent de portes d’entrée pour comprendre le concept de personne...

Le goût de vivre plusieurs vies est tout entier dans l’œuvre du cinéaste Rohmer. Et la liturgie eucharistique a pour but de nous faire vivre d’autres vies que la nôtre; de faire vivre au chrétien la vie du Christ, une vie que l’on n’a pas vécue. La théologie et le cinéma m’ont donc permis ce déplacement, ce pas de côté pour sortir de l’impasse philosophique. Il faut aussi noter que Rohmer lui-même a revendiqué la proximité entre l’essence du cinéma et le christianisme: «Tout cinéma est essentiellement chrétien», affirme t-il.

Dans L’Evidence de Dieu, vous vous demandez si la foi pourrait être en elle-même une forme de doute. Pourrait-on dire que votre livre est un éloge du doute?

Le doute est souvent considéré comme à la marge de la foi. Au contraire, je tente de montrer qu’il en est l’essence même. Ce livre est un éloge de «l’inquiétude» de la foi, plus que du doute. Ce qui est contraire à la foi, c’est la certitude au sens de «l’arrêt». L’évidence de Dieu est une évidence incertaine. Mais il n’y a là rien de tragique. Au sein de cette intranquillité, une jubilation est possible.

L’Eglise catholique est une Eglise protestante parmi d’autres!

Est-ce que vos recherches en théologie sont en lien avec un engagement spirituel personnel?

Je viens d’une famille catholique et j’ai connu une conversion à 20 ans. Mais je n’ai pas abordé mes études en lien avec ma vie spirituelle. Au fur et à mesure pourtant, cela s’est rejoint. Aujourd’hui, je me considère comme catholique – de par ma famille et mon éducation – mais j’ai une manière protestante d’être catholique. C’est-à-dire que l’Eglise catholique est une Eglise protestante parmi d’autres! Il n’y a pas de supériorité hiérarchique.

Anthony en bref

1984 Naissance à Reims, France.

2003-2008 Etudes de philosophie à l’Ecole normale supérieure de Lyon.

2008-2013 Doctorat en Théologie sous la direction de Ghislain Waterlot, à l’UNIGE et de Frédéric Worms, à Lille . Thèse publiée à l ’Âge d’Homme (Lausanne): Le serpent d’Aaron. Sur l’expérience religieuse chez Karl Barth et Henri Bergson.

2014 Maître de conférences en théologie à l’Université de Lorraine (Metz, France). Enseigne la théologie dogmatique et la philosophie.

2020 Habilitation à diriger des recherches.

Publications

  • L’individu impossible, Philosophie, cinéma, théologie. 185 pages. CNRS éditions, 2021.
  • L’évidence de Dieu, 199 pages, Labor et Fides, 2021.