Robin de Haas: «La Voie de la voix»

Robin de Haas / ©Sophie Brasey
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Robin de Haas
©Sophie Brasey

Robin de Haas: «La Voie de la voix»

Répliques
Né avec une fente palatine, il ne pouvait pas se faire comprendre par la voix. Le voici ténor et formateur. Sa méthode révolutionne l’apprentissage des chanteurs… et la pratique des athlètes. Son moteur? «Rechercher l’amour partout.»

Si on lui rend visite, dans la pièce insonorisée où il donne ses cours, c’est pour qu’il nous raconte un parcours de vie invraisemblable. Mais ce qui ressort très fort de la rencontre, c’est la spiritualité agile de Robin de Haas qui imprègne sa vie et qu’il partage. Il s’engage «pour tout ce qui fait acte de religion.» «Ce qui relie m’intéresse, et tout ce qui divise ne m’intéresse pas.» Le fils de Jan de Haas, pasteur des rues lausannoises dans les années 1990, a chanté dans des temples et composé pour Moudon, dernière paroisse de son père, le gospel Bless this Child. A la fin de l’entretien, Robin raconte son mariage avec Willy et parle du sacré.

La fête spirituelle dans la nature symbolise le sens qu’il donne à l’existence. Ce jour-là, le chant de la chamane et la prière chrétienne de sa mère se rejoignent pour accompagner et protéger «ce désir de vie, cette communion qui s’élève, d’âme à âme, pour accueillir la vie de l’un et de l’autre, et les mettre ensemble». Le «sacré» revient souvent: la relation humaine, la quête du beau, du juste dans la voix et le souffle animent celui qui, enfant, fit vœu de «rechercher l’amour partout».

Nous y voilà: une enfance torturée, et la volonté de se réaliser malgré tout. L’enfant Robin est incapable d’articuler, seule sa sœur aînée décode les sons informes qui sortent de sa bouche atteinte d’une malformation. Malgré de nombreuses opérations, il ne parle à peu près distinctement que vers sa onzième année, mais continue à nasonner. Ostracisé, cruellement moqué, tabassé souvent, il est plusieurs fois tout près de se suicider. Un jour, il monte tout en haut de la grange, mais la pensée de la souffrance de ses parents le retient juste à temps. Une conviction l’envahit: «Si je vis, je rechercherai l’amour partout.»

Il a pourtant des ancrages affectifs en famille: les vacances chez sa grand-mère hollandaise sont un bonheur en absolue sécurité et son père le soutient sans broncher – même lorsqu’il annonce qu’il sera chanteur!

Robin étudie donc la musique et, d’interventions chirurgicales en rééducation, conquiert chant et élocution. La méthode d’enseignement en vigueur fatigue sa voix; en préparant son master de pédagogie musicale, il cherche autre chose, tombe sur la figure énigmatique de Carl Stough. Ce chef de chœur américain, décédé en 2000, pratiquait une approche basée sur le souffle, aussi bien avec les chanteurs du Metropolitan Opera qu’avec les athlètes vainqueurs des JO de Mexico en 1968. Par le toucher, il diagnostiquait les problèmes et inculquait les mouvements respiratoires qui transformèrent la vie de centaines de personnes. Mais il ne laissa aucun écrit théorique.

Robin de Haas contacte l’assistante de cet homme, Lynn Martin. Départ pour New York. Coup de foudre professionnel et amical. Décelant chez Robin une sensibilité et un talent analogues à ceux de Stough, Lynn Martin non seulement travaille avec lui, mais lui fait rencontrer tous ceux qui ont suivi l’enseignement du maître.

C’est le début de dix ans de quête: collecte des informations, accumulation d’expériences, mise au point de la méthode héritée de ce père spirituel jamais rencontré. Le récit que Robin de Haas donne de sa vie dans La Voie de la voix (Favre 2015) ne s’adresse pas qu’aux musiciens. Les témoignages de l’imitateur Yann Lambiel, de chanteurs et des cantatrices sont d’autant plus passionnants que le souffle comme clef de la réalisation de soi concerne tous les humains qui respirent…

Pourquoi ne pas se contenter de pratiquer, et à tout prix conceptualiser l’application du don inné de Carl Stough? Pour transmettre. La méthode Stough était perdue, de Haas l’a reconstituée, structurée. Il l’enseigne. Grâce à l’enthousiasme de Lynn Martin, venue participer aux cours organisés à Lausanne.

Robin n’en est pas peu fier, en 2007, la haute école de musique (HEMU) lui décerne un prix pour son mémoire de master en pédagogie, dont la conclusion était prémonitoire: «Pour que les gens trouvent leur voix, il faut qu’ils soient sur leur Voie.»

Aujourd’hui, Robin de Haas prend soin de dizaines d’élèves. Le contraste est puissant entre le petit garçon mutique, solitaire, désespéré, qui au retour de l’école se confiait en pleurant à sa Terre-Neuve Ladonna, couché sur elle, et l’homme rayonnant qui vit l’amour de sa vie en toute sérénité.

Même si le racisme «structurel» qui imprègne notre société le révolte. En effet, son mari, Willy occupait dans son pays des fonctions managériales dans des Relais & Châteaux et ne trouve en Suisse que des emplois subalternes. Son péché est originel. Il est né en République dominicaine

Bio express

28 janvier 1979 Naissance à Lausanne.

Juillet 2005 Premier contact avec Lynn Martin.

2007 Prix de l’HEMU pour son mémoire de pédagogie.

2015 Publication de La Voie de la Voix (Ed. Favre).

2019 Rencontre avec Willy.

17 septembre 2020 Partenariat enregistré avec Willy.

31 juillet 2021 Cérémonie de mariage.

Janvier 2022 Sortie du film Robin des Voix.

«Robin des voix», le film

Frédéric Gonseth et Catherine Azad retracent le parcours de vie de Robin de Haas, illustrent sa quête de la voix et documentent sa redécouverte de la méthode du souffle, sa pratique, la formation des formateurs qui désormais font vivre et transmettent cette méthode salvatrice. Mais l’essentiel réside dans l’aspect humain, la relation, le partage, l’amour du prochain.

Robin des Voix, 87 min., janvier 2022.

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