Mehdi Djaadi, «Artiste et spirituel parce que passionné par l’humain»

Mehdi Djaadi / ©Elisa Haberer
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Mehdi Djaadi
©Elisa Haberer

Mehdi Djaadi, «Artiste et spirituel parce que passionné par l’humain»

Témoignage
Sur scène, il incarne une quinzaine de personnages, témoins de sa quête spirituelle qui l’a mené de l’islam au catholicisme, en passant par le protestantisme. «Coming out» est un succès à Paris. Le spectacle arrive à Lausanne.

«J ’ai toujours conscience que c’est du théâtre, j’incarne des personnages, j’incarne des rôles», prévient Mehdi Djaadi. Même s’il ne cache pas le caractère personnel de Coming out, récit de sa quête spirituelle. Le spectacle, à voir pour quelques dates au Centre culturel des Terreaux, fin janvier, a été coécrit avec Thibaut Evrard, qui assure également la mise en scène. Tous les deux se sont rencontrés à La Manufacture, haute école des arts de la scène, à Lausanne.

«Il y avait une urgence artistique. J’avais envie de traiter cet enjeu de société, de montrer ces gens qui vivent ensemble malgré leur différence, qui pratiquent le vivre-ensemble», explique le comédien. «A l’urgence artistique s’est mêlée l’urgence politique: comment mon itinéraire singulier peut rejoindre le public dans ses propres préoccupations? Je ne serais pas allé sur scène sans avoir rien à dire! J’ai côtoyé des mondes qui se connaissent mal parfois: j’ai été musulman, j’ai été baptisé protestant, puis je suis devenu catholique. J’ai profité de ce que la France m’a donné en liberté d’expression et de religion», énumère l’artiste, qui se réjouit: «Il n’y a pas de déterminisme, chacun est libre de choisir comment il vit sa foi, sa vie sexuelle.»

Et malgré les thèmes abordés, le spectacle d’humour cartonne! Créé fin 2020 au théâtre Montmartre Galabru, à Paris, il est repris au Montparnasse puis au théâtre Tristan Bernard, toujours à Paris. «Je trouve que la société française ne ressemble pas à ce qu’en ont fait les médias. Il y a un décalage entre la polémique systématique des plateaux télé et ce que vivent les gens», insiste l’acteur. «En tout cas, les personnes qui viennent me voir sont libres et libérées sur les questions de spiritualité. Cela fait partie de leur vie!» Il ajoute: «C’est important que l’on puisse s’exprimer sur ces questions, cela fait partie de la liberté d’expression.»

Le spectacle a été présenté de nombreuses fois dans des prisons ou des écoles. «Les scolaires, ce sont les dates que je préfère jouer. C’est un échange: nous ne sommes pas dans un théâtre, ni en famille, ni dans les milieux familiaux. Le théâtre devient ainsi ce lieu où l’on peut se dire des choses qui parfois rejoignent cette jeunesse en besoin d’espérance. Les jeunes sont curieux et les questions de spiritualité les intéressent», souligne Mehdi Djaadi.

Ma famille nous a toujours poussés à nous élever

Issu d’une famille maghrébine, Mehdi a grandi à Saint-Etienne. «Ma famille nous a toujours poussés à nous élever, à ce que l’on soit ouverts sur le monde», résume-t-il. Sa curiosité, il l’alimente en particulier à la bibliothèque de la ville. «Le samedi matin, je travaillais pour me faire de l’argent de poche; le samedi et le dimanche après-midi, j’allais à l’école coranique. Le mercredi à la bibliothèque, c’était la seule sortie que ma mère m’autorisait», relate-t-il. «J’ai commencé par dévorer les bandes dessinées, puis j’ai découvert l’espace médiathèque avec les VHS retraçant les grands moments des Verts de Saint-Etienne. Dans cette petite salle, j’ai aussi découvert Charlot et divers humoristes. Et c’est toujours dans cette bibliothèque que je me suis intéressé à la littérature», énumère-t-il. «En fait, je crois que ce qui me passionne, c’est l’humain! Et c’est pour ça que l’art m’intéresse. En fait, on ne s’est pas choisis. L’art fait partie de moi, je vis pour l’art.»

Après avoir fréquenté le Conservatoire de Valence (Drôme), il est admis à la haute école de théâtre de Suisse romande (La Manufacture), où il sera formé de 2010 à 2013. Ces années de formation sont aussi celles de la recherche spirituelle qu’il détaille dans le seul en scène. «Je reviens en Suisse avec des sentiments mêlés. Un peu d’appréhension, car ma relation avec le théâtre et le cinéma ici ne s’est pas bien finie… Mais c’est aussi l’occasion de revoir des personnes qui me sont chères, des lieux où j’ai vécu des expériences spirituelles fortes. J’ai plein de beaux souvenirs en Suisse.»

 

Coming out du 26 au 29 janvier 2023 au Centre culturel des Terreaux, Lausanne. www.terreaux.org

Bio express

1986 Naissance à Valence (Drôme) et enfance dans un quartier populaire de St-Etienne (Loire).

1998 A la fois l’année où il a l’âge d’aller seul à la bibliothèque et celle où l’équipe de France gagne la Coupe du monde de football. Fan du footballeur Zinédine Zidane, qui apparaît comme un modèle à l’adolescent également d’origine maghrébine.

2013 Fin de sa formation à La Manufacture à Lausanne, début de sa vie d’acteur. Entrée dans la pleine communion de l’Eglise catholique romaine.

2019 Mariage avec Anne. «Elle m’aide à me déployer en tant qu’artiste et en tant qu’homme».

Marqué par le foot

«Quand on grandit à Saint-Etienne, on ne peut être que marqué par le foot. Le club de cette ville a joué un rôle important dans le foot français, surtout dans les années 1960-1970. Je suis un peu jeune pour avoir connu ça, mais quand même! Le foot, c’est l’endroit où le patron comme l’ouvrier se retrouvent, c’est multiculturel! Soutenir une équipe dans les bons moments comme dans les moments d’échec, c’est aussi formateur», énumère Mehdi Djaadi, qui reconnaît: «J’ai mon petit niveau en foot, mais ce n’est pas ce qui m’a le plus attiré.»