Nicolas Monnier veut favoriser les échanges entre Sud et Nord

© Nicolas Monnier
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Nicolas Monnier veut favoriser les échanges entre Sud et Nord

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Le directeur de DM, le département missionnaire des Eglises réformées romandes, né au Mozambique alors que ses parents étaient en mission, encourage les relations entre Eglises protestantes du Nord et du Sud. Son but: l'échange.

Ce n’est pas un homme de théâtre, mais Nicolas Monnier est actuellement en tournée. En effet, le directeur de DM, le département missionnaire des Eglises réformées romandes fait, depuis quelques jours, le tour des synodes (parlements d’Eglises, ndlr). Le but? Célébrer les 60 ans du département qu’il dirige, et ainsi faire toujours mieux connaître les actions d’échange et de mission de DM.

Né au Mozambique en 1965, Nicolas Monnier connaît plus que jamais la question missionnaire. Son père, qui tenait une école d’agronomie, y déménage avec sa mère afin d’intégrer une communauté presbytérienne. «L’expérience, en tant qu’enfant, était unique», se souvient-il, lui qui passe ses dix premières années sur place, où naissent également son frère et sa sœur. «L’intégration était complète. J’allais à l’école avec mes copains mozambicains, je jouais au foot avec eux et je parlais le Tsonga, que mes parents parlent encore», relate-t-il.

Travaillant aujourd’hui au service des Eglises, Nicolas Monnier raconte toutefois s’être «éloigné de la foi» pendant sa jeunesse. Proche des milieux d’extême-gauche, il est vaguement anarchiste à la fin des années 1980, mais surtout critique envers la société de l’époque. Didier Péclard, politologue spécialisé en études africaines et professeur à l’Université de Genève, avec qui Nicolas Monnier fonde la revue Le Fait missionnaire en 1995, se souvient toutefois d’une personne «à la croisée des chemins». «Nos intérêts se sont retrouvés sur l’histoire sociale des missions chrétiennes, que nous avons tous deux étudiée», se rappelle-t-il, mettant en avant «la passion et l’honnêteté intellectuelle» de son ami. Mais Nicolas Monnier est encore à l’université quand il se remet en recherche spirituelle. Il va ainsi vivre ce qu’il appelle une «réconciliation». «Alors que je suis assistant-étudiant en sciences-po, je recommence à me questionner... Je fais quelques retraites dans des monastères et l’évidence me saute aux yeux: il me faut étudier la théologie pour devenir pasteur.»

L'Evangile au plus près

Après son stage pastoral effectué en 1996 à Renens, il travaille pendant quatre ans pour la paroisse de Curtilles-Lucens. En 2002, il saute le pas, et devient missionnaire à son tour. C’est le retour au Mozambique, où il emmène son épouse, infirmière de formation et aujourd’hui artiste-peintre, ainsi que ses trois jeunes enfants. A l’époque, il est donc un envoyé par DM, dont il prendra la tête en 2015. «Sur place, j’ai à nouveau fait ce constat: traverser des conflits ou vivre dans la précarité aide à garder l’Evangile au plus près de soi. Nous avons tellement à apprendre des chrétiens d’Afrique.»

Mais si les Eglises du Nord envoient encore régulièrement des pasteurs, des théologiens ou d’autres Romands de diverses professions, ces dernières en reçoivent également en Suisse romande. A chacune de ses visites dans les législatifs ecclésiaux, Nicolas Monnier s’amuse d’ailleurs à soumettre une colle à son auditoire. «Selon vous, en quelle année un pasteur issu de la mission est-il venu prêcher pour la première fois en Suisse romande?». A Genève ou Fribourg, où il vient de se rendre, il raconte, d’une voix chaude et puissamment amicale, que les estimations ne remontent pas plus loin que les années 1950, ce qui l’amuse... Et pour cause. C’est en 1925 que le pasteur mozambicain Calvin Mapopé – «le bien nommé», relève Nicolas Monnier – monte dans la chaire de la Cathédrale de Lausanne pour prêcher.

Assis sous l’encadrement d’une carte de la Mission romande, Nicolas Monnier nous propose de découvrir les réactions suscitées par la visite de ce pasteur Noir à Lausanne, il y a près d’une centaine d’années. Il les a réunies dans un document qu’il nous tend en nous mettant toutefois en garde, le sourire en coin cette fois-ci: «N’oublions pas le contexte…». On y lit alors qu’à l’époque, le professeur Gampert, président de la Commission synodale de l’Eglise libre du canton de Vaud, avait déclaré: «Aurons-nous honte de nous laisser évangéliser par un nègre?» Nicolas Monnier commente aussitôt: «Si le mot nègre choque aujourd’hui, cette parole est progressiste pour l’époque, car les réformés avaient compris l’utilité d’opérer des échanges riches entre Nord et Sud, plutôt qu’une simple évangélisation du Sud par le Nord».

Paternalisme

Sur ce sujet, qui peut d’ailleurs demeurer sensible, Nicolas Monnier se penche très volontiers. «Le paternalisme qui a pu être présent dans la démarche évangélisatrice des Suisses qui partent pour l’Afrique a laissé place, depuis de nombreuses années, à une relation d’égalité.» D’ailleurs, afin d’être transparent sur le passé de DM, Nicolas Monnier se réjouit d’en avoir rendu publiques les archives, consultables aux Archives cantonales vaudoises. «Nous venons notamment de terminer de numériser plus de 10'000 photos», note-t-il. «Tous ces supports et documents servent régulièrement à des recherches universitaires. Je viens d’ailleurs de recevoir trois étudiants en sociologie qui s’intéressent à la question de la mission et de son impact sur la vie religieuse lausannoise.»

Parmi ses réussites en tant que directeur, il cite notamment le lancement en 2021, en collaboration avec d’autres institutions, d’une formation en théologie interculturelle, donnée à l’Institut œcuménique de Bossey. Mais aussi l’accueil du Togolais Espoir Adadzi. Ce volontaire, envoyé par la Communauté d’Eglises en mission (Cevaa), une organisation partenaire de DM, est pasteur de l’Eglise évangélique presbytérienne du Togo. Il a été engagé par l’Eglise protestante de Genève (EPG) en 2017. Espoir Adadzi y travaille notamment aux liens entre les Eglises de la CER et celles issues de l’immigration. «Avec tellement de bienveillance, il a tout fait pour que je sois bien accueilli et accompagné dans ma mission. Je peux tout lui dire, mes joies, mes peines... Nicolas Monnier est une figure de l’interculturalité en Eglise.»

BIO

1965 Naissance au Mozambique, où ses parents sont en mission

1975 Retour dans le village familial, à Arnex-sur-Orbe

1990 Prix de faculté pour son mémoire de licence en sciences sociales et politiques

1995 Prix Paul-Chappuis pour son mémoire de théologie et naissance de Camille. Suivront Aurel, né en 1998, et Margot en 2000.

1996 Début de sa formation pastorale au sein de l’Eglise évangélique du canton de Vaud
(EERV)

2002 Envoyé par DM au Mozambique, où il s’installe avec sa famille jusqu’en 2008.

2015 Devient directeur de DM, association mandatée par les Eglises de la CER.