Aurélie Netz, Une écoute attestant que tout ne va pas forcément de soi

Aurélie Netz / © Jean-Bernard Sieber
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Aurélie Netz
© Jean-Bernard Sieber

Aurélie Netz, Une écoute attestant que tout ne va pas forcément de soi

Parcours
La passion de comprendre l’univers intérieur de la personne que l’on rencontre, c’est ce qui porte Aurélie Netz. Elle partage sa vie entre un travail d’aumônerie et des recherches anthropologiques.

«Où sont les espaces où l’on parle de ce que l’on vit quand on est atteint dans sa santé? On en parle un peu à ses amis ou amies les plus proches, un peu à son conjoint, à sa famille, mais c’est vrai que les questions de santé sont tellement intimes!» explique l’anthropologue Aurélie Netz, auteure de Femmes en quête de guérison, paru ce printemps aux éditions Saint-Augustin. «J’ai été très touchée qu’un monsieur, rencontré dans le cadre d’une formation en accompagnement spirituel et très atteint dans sa santé, me dise que c’était très important d’en parler.»

Le livre présente des rencontres avec neuf femmes vivant avec des maladies chroniques et des souffrances. Il évoque leur chemin d’acceptation, le rôle que la spiritualité peut y jouer, leur recherche d’une thérapie qui leur corresponde. «Ces questions de santé sont tellement intimes... Pourtant, le corps, c’est ce qui nous amène au monde», note Aurélie Netz. «La santé, c’est un point de jonction de tant de choses! Quand est-ce qu’on considère que la santé est défaillante? Quels médecins va-t-on rencontrer? Dans le contexte helvétique, on est relativement favorable au fait d’avoir des thérapies non conventionnelles, en proposant des approches intégratives. Notre époque offre la possibilité de combiner les approches. En cela, ce livre est un peu à la jonction de toutes ces questions de fond qui traversent nos vies», énumère l’anthropologue.

Volonté de partage

Et depuis sa parution, les réactions sont nombreuses: «Je suis vraiment étonnée des retours de personnes que je ne connaissais pas et qui ont pris contact pour me raconter leur histoire. Je ne m’y attendais pas. Cela dit quelque chose de notre époque.» Et la première convaincue est Esther Sarre, la propriétaire de la librairie Molly & Bloom, à quelques pas de la gare de Lausanne, qui nous accueille pour l’interview et la photo: elle a dévoré l’ouvrage avec passion et ne tarit pas d’éloges quant à la sensibilité et à la plume de la jeune chercheuse.

«J’ai accueilli ces retours et j’ai rencontré plusieurs personnes. Pour certaines, la spiritualité était aidante; pour d’autres, elle l’était moins», explique l’anthropologue. Et si, dans l’ouvrage, les neuf femmes avec qui Aurélie a cheminé vivent la spiritualité comme plutôt aidante, ce n’était pas un parti pris de l’auteure. «Je suis partie à la recherche de personnes qui acceptaient de partager autour de leur vie spirituelle – au sens large – et de leur santé. Je n’ai rien verrouillé, ni dans l’idée de n’avoir que des témoignages de femmes ni dans le sens que la spiritualité devait guérir ou être une expérience positive. J’étais tout à fait ouverte à écouter des personnes pour qui la spiritualité aurait été moins aidante ou qui auraient témoigné de pratiques rituelles difficiles. Mais les circonstances m’ont fait rencontrer des personnes pour qui la spiritualité a été aidante. C’est un peu ce qui se passe quand on fait de l’ethnographie: on a quelques idées larges et on va voir ce qui émerge quand on rencontre des personnes. A partir des données qui apparaissent, on peut essayer de contextualiser, de proposer un bout d’analyse.»

Faire communiquer les univers

«J’ai eu la chance de grandir dans une famille à la foi multiculturelle et pluriconfessionnelle: dans ma famille élargie, on trouve un peu toutes les confessions. Forcément, j’ai eu très jeune cet intérêt parce que j’avais autour de moi des gens qui pouvaient concevoir le monde de manière très différentes. Il y avait aussi divers questionnements autour de la santé, de la manière de prendre soin de soi. Pour moi, c’était absolument fascinant, mais il fallait trouver une communication entre ces univers. Je pense que cela a eu un impact sur mes choix en matière de formation. Cette dernière m’a donné des clés pour comprendre et m’a ouverte à de nouvelles méthodes pour aborder les personnes et chercher à saisir de quoi leur quotidien est fait, ce qui les porte. C’est cela qui m’intéresse vraiment. » 

Ethnographie et accompagnement

«J’ai travaillé d’abord dans le milieu éducatif. Et déjà là, j’avais beaucoup d’intérêt pour l’univers intérieur des enfants. Je prenais beaucoup de temps pour les écouter. Cela m’a convaincue que les questions spirituelles étaient essentielles, mais aussi nourrissantes. Elles pouvaient être complexes également. Cela rapproche beaucoup l’ethnographie et l’accompagnement: être à l’écoute. Cette profonde curiosité et le plaisir de comprendre l’univers de la personne que l’on rencontre et ses ressources. Marcher à ses côtés pour attester qu’il y a des questions qui se posent, et que cela ne va pas forcément de soi. Cela peut être un cheminement de toute une vie.»

Bio express

1991 Naissance à Lausanne.

2014 Découverte de l’anthropologie de la santé: «C’était un grand événement pour moi».

2018  Master en sciences sociales de l’Université de Lausanne spécialisation «Corps, Science et Santé».

2019  Parution de son premier livre, Les Cercles de femmes, éditions L’Harmattan.

2019 – 2020 CAS en accompagnement spirituel en milieu de santé.

Depuis 2020 Travail d’animatrice laïque au sein de l’aumônerie auprès des enfants en foyer.

2023 Parution de Femmes en quête de guérison. Spiritualité et résilience dans la maladie chronique, éditions Saint-Augustin.

Travailler pour l’Eglise

«A l’âge adulte, je me suis inscrite par le baptême dans la tradition réformée, qui est celle de ma maman», explique Aurélie Netz. «J’ai eu le souhait de pouvoir travailler pour mon Eglise, ce qui a pu se réaliser en 2020. Je me suis dit que j’avais reçu beaucoup de clés de par mon parcours, de par mes études: je me suis formée aussi en accompagnement spirituel. J’ai souhaité faire quelque chose de toutes ces clés. Les mettre à profit de mon Eglise, des personnes que j’allais rencontrer.»