«Violences et religions»: un MOOC s’attaque aux origines du problème

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«Violences et religions»: un MOOC s’attaque aux origines du problème

21 août 2018
L’Université de Genève lance, le 17 septembre, un cours en ligne sur les liens entre violences et religions. Principalement axé sur le christianisme et l’islam, ce programme de six semaines examine les fondements historiques pour comprendre les défis actuels.

«La violence ne vient pas de la religion en tant que telle, mais d’un projet politique. Chaque fois que le pouvoir politique a été donné à une religion ou qu’une religion a été instrumentalisée par le pouvoir, des comportements violents s’en sont suivis», explique Michel Grandjean, professeur d’histoire du christianisme à l’Université de Genève et initiateur du «Massive open online course» (MOOC), soit un cours en ligne ouvert à tous, sur la thématique «violences et religions».

Ce cours public, centré essentiellement sur le christianisme et l’islam, débutera le 17 septembre prochain sur la plateforme coursera.org. D’une durée de six semaines, il réunit plus de 25 spécialistes venant de Suisse, de France, de Belgique, du Canada et du Maroc. Principalement en français, le MOOC comprend également des parties en arabe et l’intégralité est sous-titrée tant en français qu’en arabe. «Chaque semaine, nous proposons une dizaine de séquences d’environ dix minutes sur une thématique spécifique», précise le professeur. Au total, plus de dix heures d’enregistrement.

La violence dans les textes fondateurs

La première semaine du cours examine les passages les plus violents de la Bible hébraïque, du Nouveau Testament et du Coran. Puis, le MOOC aborde le christianisme et l’islam à la période médiévale, avec notamment les croisades, la répression des hérésies et les conquêtes arabo-musulmanes. «Nous sommes dans une perspective historique et comparatiste. L’étude de l’histoire sert à prendre de la distance pour comprendre le présent. Ainsi, après le Moyen-Age, le cours s’attaque à la période moderne, puis contemporaine.»

Le quatrième chapitre analyse donc l’Europe moderne: les guerres de religion, la conception que les réformateurs ont de l’hérésie et les prémisses d’une paix religieuse. «On voit se construire peu à peu le mécanisme qui va permettre de sortir de la violence: la défense de la liberté de conscience. Mais cela n’a pas été sans mal, car si les minorités protestantes et juives à l’époque de la révolution ont applaudi parce qu’on leur donnait des droits, la majorité catholique trouvait la liberté de conscience abominable.» Puis, c’est l’islam moderne, du XVIIIe au XXe siècle, qui est passé à la loupe: réformisme musulman, conflit israélo-palestinien et liberté religieuse. Fort de tous ces outils historiques et analytiques, l’étudiant découvrira au dernier chapitre les défis actuels face à la violence religieuse.

Déconstruire les idées préconçues

«Aujourd’hui, on voit qu’il y a beaucoup de violence qui se revendique de la religion. L’objectif du cours est de déloger les gens de leurs idées préconçues.» Par exemple, le christianisme serait une religion de paix et l’islam une religion de violence. Ou encore le fait que les monothéismes seraient des producteurs de violence. «Cette idée préconçue est déconstruite dans notre parcours chaque fois qu’il est question de l’élément politique. Quand un pouvoir politique impose sa religion, on est dans un mécanisme de perversion de la religion. Si on remonte à l’époque romaine, tant que les chrétiens sont minoritaires, donc sans accès au pouvoir, ils sont tout à fait non violents. Mais quand l’empereur Théodose, trois générations après Constantin, décide que tous les peuples de l’Empire romain doivent être sous l’autorité des apôtres, cela lui donne «le droit» de condamner les hérétiques. On retrouve des centaines d’exemples similaires à travers l’histoire», raconte Michel Grandjean.

Les chouettes au service de la paix

Ce MOOC se veut également un outil de réflexion. «Il faut bien se rendre compte que ce ne sont pas les religions qui sont pour ou contre la violence, mais les adeptes de ces religions», ajoute encore le professeur. Et parfois ce sont les défis écologiques qui sont au service de la paix. Dans la dernière partie du cours, un ornithologue de l’Université de Lausanne raconte comment il a rassemblé la Palestine, la Jordanie et Israël autour d’un programme de réimplantation de la chouette effraie dans la région. «Dans l’islam, la chouette est un animal considéré comme maléfique, et l’on cherchait plutôt à l’éliminer. Pour la réimplanter, il a donc fallu entreprendre tout un programme éducatif avec l’aide d’un général jordanien et d’imams qui ont accepté d’expliquer à leurs fidèles que la chouette était leur allié parce qu’elle permettait de détruire les rongeurs qui ravageaient les récoltes. Ce projet montre qu’on ne peut pas s’arrêter aux frontières politiques, parce que la réalité écologique dépasse les frontières», sourit le professeur.

Le MOOC «Violences et religion» sera disponible sur la plateforme coursera.org. L’inscription est gratuite et ouverte à tous. Les étudiants qui en suivent l’intégralité et remplissent les questionnaires d’évaluation reçoivent un certificat.
Jusqu’à maintenant, l’Université de Genève a publié 28 MOOC, 560'000 personnes s’y sont inscrites et 300'000 les ont suivis régulièrement.

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