Se prémunir des morsures défensives du loup

© Mathieu Paillard
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© Mathieu Paillard

Se prémunir des morsures défensives du loup

Céline Jaillet
26 mai 2020
Souffrance
Certaines personnes semblent malintentionnées, volontairement ou non. Restons alertes et adoptons une posture constructive, qui recherche inlassablement l’agneau sous la peau de loup.

Il y a quelques années, j’ai acheté un livre au titre un peu surprenant: Des agneaux en habits de loups de Valérie McIntyr.

Dans mon enfance, j’étais plutôt biberonnée aux récits de loups versés dans l’art du déguisement afin d’approcher discrètement leur proie. Qu’un agneau se fonde dans une peau de loup me semblait plutôt malsain. 

Dans cet ouvrage, l’agneau est en réalité une victime et sa peau de loup est un fardeau malheureux qui le coupe des autres et de Dieu. Cette image a changé ma perception de ceux que je qualifiais d’ennemis, ceux qui font du mal à autrui de manière plus ou moins visible. Ironiquement, face à ces personnes, j’ai envie de sortir les crocs et de me battre pour ma dignité et la justice. Ne suis-je pas alors en train de revêtir cette peau de loup si agressive et destructrice? Je pourrais justifier mon comportement en le taxant de légitime défense. Dès lors, pourquoi mon ennemi, qui porte aussi sa peau de loup, ne pourrait-il pas se justifier avec le même argument? Combien d’hommes et de femmes sont aux prises avec des mécanismes de défense profondément enracinés et qui les font agir comme des loups implacables, mordants profondément ceux qui s’approchent un peu trop de leur faiblesse et de leur douleur?

Avec ce rappel qu’il existe un agneau blessé sous la peau du loup, je ne peux plus dégainer la carte de la naïveté et prendre part à ce chaos sanguinaire en laissant libre cours à ma rage pour contre-attaquer. Cela dit, une morsure, ça fait mal ! Il me semble exclu d’encourager qui que ce soit à se laisser malmener par un loup, même si ce dernier n’a pas conscience de la douleur qu’il provoque. 

Je crois fermement qu’il s’agit là d’une partie du bon combat que tout·e chrétien·ne doit mener. Un passage de la lettre aux Ephésiens (6,10-17) donne, il me semble, quelques pistes. Paul y expose les pièces d’armure qui permettent de tenir ferme dans le mauvais jour. 

Pour une femme comme moi, dont les yeux pétillent face aux figures guerrières des films et des romans, il est difficile d’envisager que la première étape du combat est de lâcher ma lance et mon arc. Ce n’est pas à moi de retirer la peau de loup de mon prochain, mais il ne tient qu’à moi de lacer mon bouclier à l’avant-bras et de me prémunir contre les morsures en proclamant «car nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang…» (verset 12). 

La seule arme offensive de la panoplie d’Ephésiens 6 est «l’épée de l’Esprit, la Parole de Dieu». Se remémorer certains versets permet de tenir ferme dans un combat a priori perdu d’avance d’un point de vue humain.

Cher Seigneur,
Permets-nous de nous rappeler ta Parole, comme:
«Ne craignez pas et ne vous effrayez pas devant
cette multitude, car ce ne sera pas vous
qui combattrez, ce sera Dieu.»
(2 Chroniques 15)
«Mon Dieu, délivre-moi de mes ennemis […]
Quelle que soit leur force, c’est en toi que j’espère.
Car Dieu est ma haute retraite.»
(psaume 59, versets 2 et 10).
«Du sein de la détresse, j’ai invoqué l’Eternel:
L’Eternel m’a exaucé, m’a mis au large.»
Amen
(psaume 118, 5)

L’auteur de cette page 

Céline Jaillet termine son stage pastoral dans la paroisse du Cœur de la Côte (Vaud) et prépare la suite de son ministère, entraînant dans son sillage son mari Elio, aussi théologien. 

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