La Bible, un texte autocritique

Joël Burri, rédacteur en chef / © DR
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Joël Burri, rédacteur en chef
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La Bible, un texte autocritique

Edito
Le risque lorsque l’on recherche une fidélité absolue au texte biblique, c’est de le réduire au statut d’un simple règlement. Éditorial de Joël Burri.

Comment ne pas entendre «Dieu dit» lorsqu’un argument biblique est brandi dans un débat? Après tout, la Bible n’est-elle pas «La Parole de Dieu»? Dans La Vie de Galilée de Bertolt Brecht, le dramaturge allemand imagine divers échanges entre le savant florentin et les autorités ecclésiales. «Mais après tout, Messieurs, l’homme peut mal interpréter non seulement les mouvements des astres, mais aussi la Bible!», oppose le mathématicien, convaincu de ses calculs et mesures, face à un cardinal qui ne veut pas en entendre parler parce que « ‹Le soleil se lève et se couche et revient au lieu d’où il se lève.› Voilà ce que dit Salomon.» L'exemple peut nous paraître aujourd’hui absurde, mais combien de fois dans l’Histoire, la Bible a-t-elle servi à ancrer des convictions plutôt qu’à tendre la main à une personne aux positions différentes? Le Galilée imaginé par Brecht met le doigt sur un point fondamental: qui dit «lire la Bible», dit «l’interpréter». Ne serait-ce que parce que les croyants qui nous ont précédés et qui ont défini les contours de ce recueil de textes qui nous est parvenu ont jugé bon de garder des récits qui entrent en tension les uns avec les autres? «Ce qui est fascinant avec la Bible, c’est qu’elle contient en elle-même une dimension autocritique», résumait le théologien Jean-Christophe Emery dans une interview accordée à reformes.ch en 2018. «Ceux qui pensent l’avoir comprise y sont critiqués.» Le risque lorsque l’on recherche une fidélité absolue au texte biblique, c’est de le réduire au statut d’un simple règlement. Alors que si on le laisse nous interroger, il risque de nous mettre en mouvement.