Le ras-le-bol du «métro-boulot-dodo»

Genève: le prix des loyers est l’une des motivations des habitats partagés. / © iStock
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Genève: le prix des loyers est l’une des motivations des habitats partagés.
© iStock

Le ras-le-bol du «métro-boulot-dodo»

Tendance
L’essor des communautés de vie est une réponse à des dysfonctionnements ou des pannes de notre société. Dont la solitude.

C’est à Genève et à Zurich, deux villes parmi les plus chères du monde, que les «nouvelles communautés» semblent en croissance. Pour Gaël Brulé, sociologue à l’Université de Neuchâtel, «ces choix de vie sont en partie financiers et en lien avec le marché immobilier». Ce qui n’empêche pas, selon lui, une démarche motivée par une recherche accrue de sens. «On constate que ces démarches communautaires sont très souvent accompagnées de la possibilité de partager un potager, de relocaliser sa production alimentaire, de partager la garde des enfants, de réduire ou d’aménager son temps de travail.» Autant de phénomènes qui témoignent à ses yeux d’une profonde remise en question du travail «qui parfois n’a pas de sens», des modes de vie, «le prix des crèches incitant à trouver des solutions de garde alternatives», et de la parentalité, puisque vivre en proximité avec d’autres familles que la sienne «pose des questions sensibles sur l’éducation partagée» et offre des potentialités quant «au système d’enseignement classique». Cela différencie les communautés actuelles de celles des années 1970, qui étaient plutôt, selon le chercheur, «une réaction à l’ethos autoritaire, aux valeurs militaires et nationalistes».

Interactions de qualité

Quête de sens, d’accord, mais en quoi le fait de vivre à plusieurs serait une réponse? Pour le chercheur, l’explication est à chercher du côté des interactions sociales. «Depuis les années 1950, l’urbanisation et l’essor de la voiture individuelle a transformé nos modes de vie.» Pour nous rendre plus solitaires? Toujours est-il que le nombre et la qualité des interactions sociales contribuent à notre bien-être. Et visiblement, dans notre époque très connectée, les liens de qualité sont aujourd’hui recherchés plus que jamais.

Ces liens «à soi, à la nature, aux autres, à Dieu», ont été abîmés, estime Christine Kristof-Lardet, spécialiste de l’écospiritualité, «et il est urgent de les réparer». De son île bretonne où elle vit dans une recherche de cohérence entre terre, mer et ciel, la journaliste et autrice observe avec joie un essor de communautés de vie écologiques, qui ne dépendent pas d’une institution religieuse. «Beaucoup de gens sont en train de s’installer pour vivre ainsi, et ils me contactent avec une série de questions, car ils partent avec des idéaux et font parfois face à des réalités pas évidentes. Il y a un besoin immense de ressources sur le sujet! On sent en ce moment un essor important.» Après un premier ouvrage où elle était partie explorer les lieux spirituels engagés en écologie, comme les monastères ou ashrams1, elle s’est intéressée à ces nouveaux lieux de vivre ensemble. «Nous en avons recensé près de 300, en France, mais aussi en Suisse ou ailleurs en Europe, avec une série de critères autour de l’engagement écologique et spirituel au sens large.» Ce travail a donné lieu à un site: www. vivrerelies.org, qui cartographie différents types de communautés. 

Besoin de cohérence

Pour cette journaliste engagée, qui étudie le sujet depuis des années, cet élan communautaire s’explique avant tout par «un profond besoin de cohérence entre ses valeurs et son mode de vie», qui passe notamment par le fait de vivre plus proche de la nature. Mais qui ne s’arrête pas là. «Quand on s’installe à la campagne, on ne peut pas transplanter son mode de vie précédent. Souvent les personnes qui font ce choix changent aussi de métier. Le mouvement vers la nature s’accompagne d’une conversion ou métamorphose globale de l’être, et d’une dimension de solidarité et de sobriété. Le mode de vie va dicter les transformations intérieures, profondes.» Urbaines ou rurales, ces communautés inventent d’autres manières de vivre. Et d’être.