Le jardin du peintre

Le jardin du peintre / ©Minautore
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Le jardin du peintre
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Le jardin du peintre

Géranium
Il y a longtemps, très longtemps, il n’existait sur terre qu’une seule couleur de fleur. De la plus distinguée à la plus champêtre, du bourgeon aux pétales: tout ce qui poussait sur terre, sans exception, et qui avait l’apparence d’une fleur était bleu. C’était la couleur préférée du jardinier du monde et il en avait décidé ainsi.

Les jours, les mois, les années passèrent. Le jardinier du monde commença à s’ennuyer atrocement. Alors qu’il somnolait sous les branches d’un cerisier paré, vous l’aurez compris, de fleurs uniquement bleues, il lui vint une idée bizarre: «Et si j’inventais des fleurs rouges?» Dans l’instant, il fit semer des graines.

Toutes les fleurs bleues sur terre, de l’hortensia à la clématite, furent sous le choc quand elles découvrirent cette chose étrange et rouge qui poussait à leur côté. On créa des conciliabules, des réunions, des syndicats pour tenter d’élucider le mystère qui se cachait derrière cet obscur phénomène.

Ne parvenant pas à en cerner les contours, on convoqua le jardinier du monde:

«Qu’est-ce que c’est que ça!?
– Des fleurs, comme vous, répondit le jardinier du monde. Elles sont simplement différentes de vous.
– Nous n’en voulons pas!
– Ce rouge est laid!
– Pouerk! Ça sent mauvais!», s’exclamèrent-elles en chœur.

Pour remédier à cette cacophonie, on construisit des jardins séparés, avec des murs et des barrières. Les fleurs rouges restaient d’un côté, les bleues de l’autre. Le monde eut triste allure.

Quelques années plus tard, un bleuet, perdu, se fit montrer le chemin par un géranium. Ils firent un bout de route ensemble. Tout bleu qu’était Bleuet, et tout rouge qu’était Géranium, ils se découvrirent d’innombrables affinités et tombèrent amoureux. Quelle ne fut pas leur surprise, quand vint le jour de la naissance de Glycine, leur bébé. Elle n’était ni bleue ni rouge, mais violette! Les frères et les sœurs qui suivirent égalaient leur aînée en beauté, chaque naissance offrant une nouvelle nuance de couleur. Tant et si bien que le jardin de Bleuet et Géranium était digne d’une palette de grand peintre. Du rose, de l’indigo, du magenta, du vermillon…

Le jardinier du monde invita papillons et oiseaux à virevolter entre les fleurs multicolores de ce qui s’appelait désormais, «le jardin du peintre». Les amoureux de tous les pays venaient y confectionner de larges bouquets secouant pétales, corolles et graines qui se répandirent par-delà les murs. «Gardez-vous bien de vous juger», somma le jardinier du monde à toutes les fleurs rouges qui osaient encore objecter. «Acceptez vos différences, car la beauté de votre jardin ne se fera pas sans elles!»

Et si on réfléchissait ensemble

Sais-tu ce qu’est un préjugé? C’est l’idée que l’on se fait de quelque chose ou de quelqu’un et que l’on prend pour une vérité, sans pour autant y avoir réfléchi ou s’être renseigné. Dans cette histoire, les fleurs bleues ont des préjugés sur les fleurs rouges. Parce qu’elles sont rouges, parce qu’elles sont tout simplement différentes, elles ne les aiment pas. Mais elles n’ont pas cherché à les connaître! Le danger d’un préjugé, c’est qu’il peut amener une personne à être injuste ou irrespectueuse envers d’autres. Il arrive par exemple souvent qu’une personne soit exclue en raison de sa religion, de sa couleur de peau et de sa manière de s’habiller.

Et toi, tu en penses quoi?

— T’est-il déjà arrivé de devenir l’ami de quelqu’un de très différent de toi?

— Quand quelqu’un est différent, par sa religion, sa langue, sa couleur de peau, ou sa manière de s’habiller, tu en penses quoi? Est-ce que tu es curieux de le connaître? Est-ce que tu te méfies?