Itinéraires d’un désir d’authenticité

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Itinéraires d’un désir d’authenticité

Nicolas Bringolf
25 mai 2020
Communautés
Renoncer à certaines libertés peut mener à un cheminement intérieur source de plénitude. Vivant respectivement dans les communautés de Grandchamp (NE) et de Bose (I), soeur Regina et frère Matthias témoignent.

Universitaire, spécialisée dans l’étude des religions, sœur Regina a posé ses valises à Grandchamp (NE) au milieu des années 1980. «J’ai eu la chance, auparavant, d’avoir pu épuiser la plupart des formes de liberté extérieure: choisir ma profession, vivre et partager spontanément des relations humaines, me plonger dans les religions émergentes, voyager, etc.», note la désormais sexagénaire. 

Néanmoins, ce parcours d’une grande richesse ne réussit pas à étancher la soif de liberté qui l’habite. «Avec le temps est né le profond désir d’une liberté intérieure, d’une vie spirituelle, d’apprivoiser – en moi – quelque chose de plus grand que moi! Dieu? L’occasion, peut-être, de découvrir, d’explorer la plus authentique des libertés: la liberté intérieure, celle qui vient de nous-mêmes et que personne ne peut nous enlever.» 

La Zurichoise d’origine souligne qu’elle n’a jamais voulu se distancier d’une société où l’humain peine de plus en plus à trouver des repères. «Je cherchais un cadre, une forme de vie qui me soutenait dans la recherche de l’esprit de liberté.» 

La vraie liberté doit germer en soi

A ce propos, elle admet que le fait de ne plus pouvoir se raccrocher aux libertés extérieures a, dans un premier temps, été déstabilisant. «Dans la Genèse, on trouve un temps structuré, qui est un espace avec des limites. C’est cela qui m’a aidée à cheminer vers un esprit toujours plus libre.» Pour sœur Regina, avant de jaillir, la vraie liberté doit germer à l’intérieur de soi. «C’est un don qui vient d’ailleurs, une grâce. La forme de vie est secondaire, c’est le contenu que j’y mets qui est primordial. La forme ne doit jamais devenir sécurisante pour celui qui pratique.» 

Démarche naturelle dénuée d’efforts

A ses débuts dans le monde professionnel, Matthias Wirz cherchait, selon lui, un peu son chemin. Le natif de la Riviera vaudoise se sent attiré par la vie communautaire au gré de quelques expériences faites. Il effectue ainsi plusieurs séjours au monastère de Bose, dans le Piémont, et s’y établit en 1999. 

«Le désir de partager cette forme de vie religieuse, cette existence monastique, cette vie de prière, en communauté, était plus grand que l’éventuel renoncement à certaines libertés. Ce choix s’est opéré librement. C’était une démarche naturelle. On ne vient pas à Bose en se forçant, en faisant un effort.» 

Renoncement ne signifie pas prison

Frère Matthias souligne qu’il n’est pas entré dans une prison. «Même si nous sommes géographiquement plus limités, nous ne vivons pas pour autant enfermés. La différence, je l’ai mesurée de manière tout à fait personnelle ces derniers temps, en raison du coronavirus et du décret gouvernemental qui nous empêche de nous déplacer. Notre renoncement à la liberté n’a rien à voir avec la forme d’isolement imposée par l’Etat italien.» 

Concernant la liberté intérieure, frère Matthias partage l’approche de soeur Regina. «Cette liberté intérieure nous habite au départ. Choisir la vie qui est la nôtre le démontre déjà. Comme ce n’est pas quelque chose d’immédiat, on la découvre peu à peu. Elle demande cependant à être sans cesse approfondie, au gré des circonstances de la vie qui nous pousse à avancer, avec la dépossession de soi en guise d’aboutissement.»