Quand la cérémonie se construit ensemble

Quand la cérémonie se construit ensemble / ©123RF.com
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Quand la cérémonie se construit ensemble
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Quand la cérémonie se construit ensemble

Intégrer
Dépassés, les mariages, enterrements ou baptêmes à l’église? A Genève, deux pasteures actualisent ces traditions. Avec une conviction: il faut construire chaque cérémonie avec les personnes concernées, en incluant leur langage.

Carolina Costa

Quand Carolina Costa, pasteure et cofondatrice du Lab, l’espace pour jeunes adultes de l’Eglise protestante de Genève (EPG), réalise un baptême, elle cherche toujours à savoir si l’enfant baptisé a une fratrie. Si oui, elle veille à inclure celle-ci dans la cérémonie.

«L’arrivée d’un enfant dans une famille peut chambouler, je l’ai vu avec mon aînée, lors du baptême de sa petite sœur. Dans le grand rituel du baptême, il se passe plein de choses qu’il est important d’intégrer.» Or, dans le rituel historique du baptême, cette dimension n’existait pas. Comment faire ? La pasteure évoque une idée: l’utilisation d’un fil de laine s’élargissant comme la famille et rendant ainsi visible la manière dont l’amour se multiplie sans se diviser.

 

 

 

 

 

Retrouver le sens

Carolina Costa a d’ailleurs édité un livre-jeu sur le sujet (Baptême, plongez dans l’aventure, Editions Atalahalta, 2019). Pour retrouver, faire émerger et partager un sens renouvelé de ce moment – célébrer le miracle de la vie, signifier que l’enfant entre dans la communauté des croyant·e·s, devient l’égal de ses parents devant Dieu –, elle regorge de créativité, et stimule évidemment celle des familles concernées. Les ressources? Elles lui viennent de partout. «Je m’inspire d’autres environnements spirituels et rituels, car cela permet de redécouvrir ce qui est essentiel dans notre tradition, tout en innovant. J’ai puisé dans la liturgie catholique, où le baptême est une célébration vraiment à part, avec différents temps forts. Depuis que je me suis autorisé cette liberté, j’ai plus de demandes pour ces rituels, qui sont investis et préparés par les familles, au même titre qu’un mariage!»

S’autoriser une liberté… mais dans quelle limite? Carolina Costa n’hésite pas à «bousculer», comme lorsqu’elle baptise au nom d’une trinité féministe, «Dieu Père/Mère du tout Amour, Fils, Fille du tout Amour, Souffle sacré Esprit saint». Un choix théologique toujours discuté au préalable avec les familles, qui viennent souvent «pour cela aussi».

Démarche personnelle

Vanessa Trüb

Discuter avec les familles, mais aussi en Eglise, c’est la manière dont procède Vanessa Trüb, pasteure dans la région Arve et Lac (EPG), qui a participé à plusieurs commissions de réflexion autour de l’accompagnement spirituel, notamment à la suite d’un deuil. Ici aussi, l’enjeu consiste à trouver des gestes et un langage correspondant au vécu des gens, à adapter les rites sans perdre l’identité protestante qui est « de témoigner d’une espérance de vie offerte à tous, d’une vie que Dieu a donnée ».

Un projet pilote est ainsi né dans sa paroisse de Meinier-Gy-Jussy, consistant à mettre en terre les cendres de la personne défunte au creux des racines d’un arbre, dans le jardin paroissial. Et à faire mémoire « de tous les éclats de lumière que cette personne a laissés » par un arbre stylisé, présent dans l’église. « Cette idée est née de la volonté des personnes de vivre autrement le départ d’un être cher. De répondre à leur souci d’écologie et d’écospiritualité aussi », explique Vanessa Trüb. Pour autant, chaque cérémonie reste construite avec la famille concernée. « On déploie ensemble le sens du rite avec les participants. Quand certains termes comme ‹ réincarnation › ou ‹ résurrection › prêtent à confusion, on prend du temps pour construire une compréhension, des gestes permettant aux personnes de s’approprier cette expression. » Ce qui demande à la pasteure « une grande disponibilité intérieure », mais aussi d’accepter le risque « d’être déplacée ».