«Pour traverser mon cancer, j’ai eu besoin de symboles et de rites»

Ariane Bérard / ©DR
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Ariane Bérard
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«Pour traverser mon cancer, j’ai eu besoin de symboles et de rites»

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La séparation est au cœur du Tousaint’S Festival, qui offre chaque année des réflexions inédites sur la mort. Dans ce cadre, Ariane Bérard témoigne d’une séparation qui l’a transformée: la perte de son sein droit.

C’est le cancer qui touche le plus les femmes (32% des cas), c’est aussi celui qui a l’un des meilleurs taux de survie (88%). Le cancer du sein est extrêmement répandu et nombreuses sont les femmes qui chaque année subissent une mastectomie. Une expérience que souhaite partager Ariane Bérard, ergothérapeute et biographe, qui en parle comme d’une «métamorphose», tant physique que psychique. «A l’annonce du diagnostic, cela a été comme un tsunami. J’ai été projetée dans un monde de vulnérabilité et vécu un réalignement profond. Je suis issue du domaine médico-social, j’ai tendance à vouloir faire le bien autour de moi et j’avais oublié de tenir compte de mes envies et de mes besoins.» Un changement de perspective soutenu par des experts très présents. «Au travers de tout mon parcours médical, je me suis sentie en confance et écoutée par l’équipe de professionnels, ce qui me semble essentiel sur un chemin de guérison.»

Mais l’épreuve est autant physique que psychique. La mastectomie demande une «désintimisation», une sorte de détachement de soi. «La poitrine est une zone traditionnelle de féminité. Pour la réparer, il faut se laisser regarder, toucher, inciser, palper. Une forme de déshumanisation, de ‹désérotisation› temporaire de cette partie du corps… qu’il faut ensuite pouvoir se réapproprier.»

Symboliser la perte

Et au milieu de cela, il y a cette épreuve d’ablation. Ariane Bérard l’a vécue comme une véritable perte. «Il y avait une similitude symbolique. J’ai eu besoin de ritualiser la chose: avant d’être opérée, j’ai dit au revoir à ce sein. J’ai choisi une pierre qui le représentait, je l’ai déposée dans une rivière. Pour traverser mon cancer, j’ai eu besoin de symboles et de rites. Je crois à ce processus également dans le cas du deuil d’un être cher. Il faut poser des mots, des actes, donner du sens.» Mais Ariane Bérard se garde de donner des conseils. «Pour moi, il a fallu symboliser et tracer ce passage, mais chaque expérience est différente, chaque parcours unique.»

Toujours est-il que ces expériences intimes sont aujourd’hui mal connues, malgré leur caractère très répandu. Voilà pourquoi Ariane Bérard a rédigé Métamorphoses, livre de poèmes autour de cette expérience. Et a accepté d’être accompagnée par la photographe Jeanne Gerster (loutreetgecko.ch), qui l’a aidée à faire un travail de «réapprivoisement» de son corps par l’image. Des œuvres à découvrir en libre accès au Centre culturel des Terreaux tout au long du Toussaint’S Festival.

Le site d'Ariane Bérard: ecriresavie.ch

Toussaint’S Festival

Du 29 octobre au 5 novembre, Centre culturel des Terreaux, Lausanne.

Infos: deuils.org et terreaux.org.