Les mandalas: un nouvel outil pour la psychanalyse

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Les mandalas: un nouvel outil pour la psychanalyse

24 janvier 2001
On attribue au Bouddha l'invention des mandalas, ces dessins circulaires servant de support à la méditation dans le bouddhisme tibétain
Aujourd'hui, ces images kaléidoscopiques constellées de symboles religieux sont largement utilisées en Occident pour approfondir la connaissance de soi et l'épanouissement. Psychothérapeutes et formateurs d'adultes recommandent aux personnes "en recherche" de dessiner leur mandala personnel pour embrasser d'un seul coup d'œil toute leur existence. Un atelier aura prochainement lieu sur ce thème au Centre protestant de Sornetan, dans le Jura bernois."On fait actuellement un abus de mandalas, relève la psychothérapeute canadienne Lorraine Dupont, établie depuis plus de 20 ans en Suisse romande. C'est une mode qui s'inscrit dans la vogue du new age, des anges et des tarots. On oublie que peindre des mandalas peut nourrir une pratique spirituelle, et, en définitive, changer la vie". A l'instar de plusieurs de ses confrères, Lorraine Dupont est convaincue que les mandalas révèlent des mécanismes mentaux inconscients. C'est pourquoi elle invite ses patients qui le souhaitent et les participants aux séminaires qu'elle anime à dessiner leur mandala personnel et à projeter ainsi sur le papier les principaux éléments de leur vie: "Récemment, dans un de mes séminaires, un participant a exprimé ses problèmes d'alcoolisme dans un mandala. Il était ébranlé. Il pleurait".

§Eveil et illuminationLa force évocatrice des mandalas provient de leur histoire millénaire qui remonte aux origines du bouddhisme, il y a 2500 ans. Inventé, selon les textes sacrés, par le Bouddha en personne, le mandala sert de support à la méditation. En son centre figure une divinité, souvent le Bouddha, entourés d'une série de cercles emboîtés les uns dans les autres et remplis de motifs religieux –saints, démons - ou profanes – êtres humains, animaux, astres, squelettes, fleurs. Ces éléments de toute nature reflètent la dualité de l'homme capable de comportements bestiaux et de grands élans d'humanité, d'avidité matérielle et d'élévation mystique. Ils tracent un itinéraire spirituel au terme duquel on s'identifie avec le Bouddha lui-même, source d'illumination. L'emboîtement des différents cercles conduit le fidèle, pour ainsi dire, à tourner en rond autour de la divinité située au centre du mandala en se rapprochant progressivement d'elle. "L'expression "tourner en rond" n'a pas de connotation péjorative en Orient, précise Lorraine Dupont. Elle signifie "marcher autour" jusqu'à atteindre le centre de son être où se situe le divin".

§La mort omniprésenteAutre aspect saisissant: l'omniprésence de la mort; certains mandalas – telle la Roue da la Vie - apparaissent le plus souvent dans la bouche du "Seigneur de la mort", sorte d'animal mi-tigre mi-dragon qui saisit le mandala dans sa gueule et entre ses pattes. Manière de rappeler que nous sommes en sursis sur cette terre et qu'il faut penser à se perfectionner moralement pour éviter la réincarnation dans un monde inférieur chez les bouddhistes, ou l'enfer chez les chrétiens. "Mettre ainsi l'accent sur la mort ne relève pas d'une démarche pessimiste, mais d'une reconnaissance que la vie est un cadeau précieux qui nous permet d'atteindre l'Eveil".

§Dessins d'enfantsOutre cet usage religieux propre à la spiritualité bouddhiste, un usage profane s'est popularisé en Occident ces dernières décennies, particulièrement en psychologie et en pédagogie. L'habitude se répand dans les écoles de faire colorier des mandalas aux élèves, car la disposition en cercles concentriques favorise les facultés de concentration. Résultat: de nombreux enseignants viennent s'initier notamment dans les séminaires animés par Lorraine Dupont :"Ensuite, ils ne peuvent plus utiliser les mandalas comme auparavant, c'est-à-dire en se contentant de les faire colorier par les élèves. Ils s'aperçoivent que le sens profond du mandala est d'aller chercher au fond de soi ce qu'il se passe et de tenter d'en comprendre le sens".

Miroir de l'inconscient, le mandala est le terrain d'expression privilégié des événements marquants, souffrances, joies, de même que des manifestations psychiques tels que rêves, refoulements, fantasmes, émotions soudaines et inexpliquées. Le mandala permet de mettre "par écrit" ces éléments psychiques épars et souvent contradictoires et d'établir des relations entre eux. C'est le travail que propose Lorraine Dupont dans les séminaires qu'elle anime en Suisse romande (voir encadré). Les participants dessinent une "roue de la vie" où viennent prendre place les éléments importants de leur existence et qui révèlent souvent des processus mentaux inconscients. Nul besoin, au préalable, de disposer d'un quelconque talent pictural. Tout au contraire, car pour que le mandala agisse comme un révélateur du tréfonds du psychisme, il est nécessaire de dessiner le plus instinctivement possible, en évitant les élaborations trop réfléchies: "Je constate que les adultes peignent des dessins d'enfants. En dessinant un mandala, ils retrouvent leur spontanéité et expriment plus aisément leurs problèmes. Des gens qui n'ont jamais peint de leur vie font d'ailleurs des œuvres esthétiquement superbes!".