Michael Londsdale: «La foi est un trésor qu’il faut partager»

©Anne Buloz / Michael Lonsdale: «Ma foi a été nourrie, à doses homéopathiques, par beaucoup de rencontres».
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©Anne Buloz
Michael Lonsdale: «Ma foi a été nourrie, à doses homéopathiques, par beaucoup de rencontres».

Michael Londsdale: «La foi est un trésor qu’il faut partager»

22 septembre 2020
HOMMAGE
Michael Londsdale est bien plus que l’inoubliable Frère Luc du film «Des hommes et des dieux». Catholique engagé, l’acteur franco-britannique aime plus que tout partager sa foi en témoignant de son parcours spirituel riche et atypique.

L’acteur Michael Lonsdale est décédé ce lundi 21 septembre à son domicile parisien à l’âge de 89 ans, selon l’AFP. En mars 2012, il avait accordé une interview à «La Vie protestante - Genève» que nous vous proposons de redécouvrir. 

Longtemps, vous êtes resté discret sur votre foi. Vous n’en faites plus mystère désormais. Que s’est-il passé?
Il y a eu toute une époque durant laquelle on était rabroué lorsqu’on parlait de Dieu. Cela a changé il y a une vingtaine d’années. Un jour, Dominique Rey, que j’ai bien connu avant qu’il ne soit nommé évêque, m’a dit que la foi était un trésor. Qu’il ne fallait pas la garder pour soi égoïstement.

Vous vous êtes également engagé avec des actes concrets, notamment en manifestant contre la pièce de Rodrigo García «Golgota picnic»!
Je trouvais le texte très pauvre, avec des idées saugrenues et d’autres choses qu’il ne fallait pas laisser passer. C’était un mensonge de dire que Jésus aurait inventé le Sida. Pour moi, le Christ est un ami. Quand on dit du mal ou des bêtises sur Lui, je me trouve dans la nécessité de protester. Nous avions l’ordre de l’archevêque d’aller à Notre-Dame pendant la soirée. Nous étions 4000 à prier contre les insultes, parce qu’il n’y avait pas que cette pièce-là, il y avait aussi celle de Romeo Castellucci «Sur le concept du visage du fils de Dieu».

Qu’est-ce qui vous a conduit à demander le baptême à l’âge de 22ans?
Cela s’est fait doucement, par petites touches très délicates. Ma mère m’avait offert un livre, Life of Jésus, que j’aimais bien. Je trouvais que ce Monsieur (ndlr : Jésus) était très accueillant et qu’il disait des choses gentilles. Au Maroc, où nous étions partis pour six mois mais où nous sommes finalement restés dix ans, bloqués par la guerre, nous louions deux chambres dans un appartement. Dans le corridor, il y avait toutes sortes de petites statuettes et d’images pieuses. Lorsque notre logeur a voulu s’en débarrasser, je lui ai dit qu’il n’avait pas le droit, que c’était sacré. Je ne savais même pas ce que cela voulait dire! Il me les a données et je me suis fait mon petit coin-prière.

Pourquoi avoir choisi la foi catholique alors que vos parents étaient protestants, même s’ils ne pratiquaient pas?
J’ai même hésité à devenir musulman après une rencontre avec un ami musulman qui avait dit des choses magnifiques sur la grandeur de Dieu. Cela m’avait impressionné. Ma foi a été nourrie comme cela, par doses homéopathiques, par beaucoup de rencontres. J’ai eu une marraine merveilleuse, qui m’est tombée du ciel. Je l’emmenais en promenade et elle me parlait du Christ. C’était une espèce de «maman spirituelle».

Comment vivez-vous votre foi au quotidien?
Toute occasion est bonne pour redire sa confiance, son amour et: «Que Ta volonté soit faite». On peut parler au Christ tout le temps, c’est un ami. Il est là et attend. Dieu est mendiant d’amour. Il espère tellement que les êtes humains vont répondre à son enseignement. Je prie dans le métro pour les gens que je vois. Mais maintenant, à Paris, sur la ligne 1, on peut passer d’un wagon à l’autre, alors ça fait du monde!

Les épreuves de la vie ont-elles renforcé votre foi?
Non, bien au contraire. J’ai eu plus que des doutes. J’étais désespéré parce que cinq personnes qui m’étaient chères, dont ma marraine, sont décédées la même année. Cela a été très dur, je n’en pouvais plus. J’ai crié: «Seigneur, je n’ai plus envie de vivre séparé de ceux que j’aime. Sauve-moi!». La réponse a été immédiate. Mon parrain, qui était de passage, comme par hasard, m’a emmené rencontrer le mouvement du Renouveau charismatique. Je répète souvent la phrase d’Einstein: « Le hasard c’est quand le Bon Dieu descend incognito sur la terre». J’ai vu leur générosité et leur bonté. Quand on s’est mis par petits groupes de prière, j’ai dit ma peine et mon chagrin. Ils ont ouvert la Bible et j’ai reçu des textes de consolation très beaux. J’étais sauvé de mes peines. Ce retour très fort à l’Esprit saint est né dans les collèges protestants aux Etats-Unis. Comme je suis né le jour de la Pentecôte, cela m’a toujours fait quelque chose quand on parle de l’Esprit saint.

Dans votre carrière d’acteur, vous avez joué beaucoup de rôles d’ecclésiastiques. Est-ce une coïncidence?
Oui, c’est venu comme ça. Il y a 60 ans, mon premier rôle était celui d’un pasteur dans une pièce d’Oscar Wilde. Je suis ensuite monté en grade: j’ai été curé de campagne, abbé, évêque, cardinal, pape et même l’archange Gabriel. J’ai aussi été la voix de Dieu, mais seulement la voix!

Avez-vous refusé des rôles en raison de vos convictions religieuses?
Un seul, celui d’un évêque dans le film «Amen». Le scénario était contre le pape Pie XII et disait qu’il n’avait rien fait pour les juifs. On savait que c’était le contraire, même s’il n’en parlait pas.

Vous avez mis en scène «Le récit d’un pèlerin russe», saint François d’Assise, Thérèse de Lisieux, saint Bernard, Madeleine Delbrêl et dernièrement Sœur Emmanuelle. Est-ce votre façon d’évangéliser?
Oui, je mets mes possibilités artistiques au service de ces gens-là. Il faut faire connaître leur parole, parce qu’elle est forte et constructive. C’est important que les gens entendent ces messages. Je saute à chaque fois sur les occasions qui me sont données de faire découvrir ce que la foi a de beau!

Comment expliquez-vous le succès du film «Des hommes et des dieux»?
Il a eu un impact incroyable parce qu’on montrait enfin un certain côté de la vie désormais ignoré. On oublie ceux qui vivaient dans la paix, en parfaite harmonie avec une autre civilisation, dans le respect, la tolérance, l’amitié et le travail partagé. Ce sont des messages comme ceux-là qu’il faut faire connaître.

Les chrétiens se sont largement distancés des Eglises ces dernières années!
Ils s’éloignent … mais en même temps, regardez les pèlerinages à Compostelle! Et chaque fois que le pape va quelque part, des millions de personnes sont là. Les gens attendent quelque chose. Il faut que l’Eglise se renouvelle un peu, dans une proximité. On a besoin de voir un prêtre habillé simplement, en homme, et non pas avec de beaux costumes, une mitre et des croix. Il représente le Christ, qui, lui, était habillé pauvrement. Un homme est crédible par ce qu’il dit et ce qu’il fait. C’est comme les Gardes suisses, habillés en costumes du XVe siècle. C’est un peu du théâtre, des signes extérieurs de richesse. Je pense à Gandhi dans son petit costume blanc avec son bâton. On aurait dit un pèlerin. Martin Luther King était aussi vêtu très simplement. Ces gens, qui ont dit des choses fortes, étaient habillés comme nous. Ces signes extérieurs de la foi sont dépassés: la vraie foi est intérieure.

Vous pensez donc que les Eglises devraient s’adapter à notre époque?
Oui, bien sûr. Il faut que l’Eglise catholique se modernise. Elle est trop vieux jeu et a tendance à en appeler constamment à la tradition. Le Christ lui-même a été le premier à bousculer la religion juive. Il a notamment arrêté la circoncision et les sacrifices d’animaux. C’était énorme à l’époque.

L’année dernière, vous avez reçu de nombreuses récompenses pour «Des hommes et des dieux», dont un César. Est-ce une fierté, un honneur?
Je l’ai pris à la blague… Mais j’étais content, parce que j’avais déjà été nominé plusieurs fois, sans succès. Je n’avais encore jamais reçu de prix ou de certificat de ma vie, sauf lorsque j’avais pris le Concorde pour aller à New York. J’avais alors eu droit à un certificat comme quoi j’avais franchi le mur du son!

Vous dites aimer de plus en plus le genre humain. D’où vous vient cet optimisme?
On l’oublie, mais chaque être est une création de Dieu! Sa venue au monde découle de la volonté de Dieu, c’est pourquoi chacun est infiniment précieux. Chacun a une capacité d’amour, même si elle reste souvent endormie.

Frère Luc était un grand amateur d’Edith Piaf. Il avait demandé que soit gravé sur sa tombe: «Non, je ne regrette rien». Et vous, avez-vous des regrets?
Oui, celui d’avoir été si lent à partager ma foi. Il y a un petit pas à franchir qui fait peur. Les gens n’osent pas. Ils sont intimidés et ont peur de ne pas être à la hauteur alors que c’est une joie de proclamer.

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