
Théodore Monod à la rencontre du vivant
Pourquoi avoir choisi Théodore Monod, spécialiste du désert et protestant engagé, comme personnage central?
PIERRE-PHILIPPE DEVAUX: Malgré son décès il y a vingt-cinq ans, il reste une figure fascinante. Explorateur infatigable et dernier naturaliste à défendre une vision holistique du monde, il affirmait que la nature n’existait pas en dehors de l’homme, mais que nous en faisions pleinement partie – une idée très novatrice pour l’époque. Pacifiste, antimilitariste et végétarien convaincu, il s’est engagé contre la bombe atomique, pour la protection des animaux et a même participé à l’élaboration du droit international des animaux. Ce fils de pasteur portait aussi un engagement spirituel profond.
En quoi vous a-t-il inspiré personnellement?
J’ai rencontré Théodore Monod en 1998. À l’époque, je n’imaginais pas écrire un spectacle sur lui. Mais le désir d’évoquer la nature s’est imposé. Ses récits, empreints d’humour et de sagesse, m’ont inspiré. Ses recherches témoignent d’une vie entière consacrée à transmettre une conscience globale du monde et du cosmos, ainsi que d’un profond respect du vivant. Monod était un écologiste avant l’heure, un scientifique capable de relier la science et la foi. Par son exemple, il nous invite à repenser notre lien au vivant.
Comment s’articule votre spectacle?
La pièce explore différents moments de sa vie: ses expéditions dans le désert, sa relation à l’alimentation, son rapport aux autres. Ce qui frappe, dans ses récits, c’est cette lenteur de la marche à dos de dromadaire dans le désert, ce goût pour l’humour et cette fascination pour le «rien» de cet univers aride. Il parcourt parfois plus de 900 km dans le Sahara occidental. Le côté fantasmagorique du désert est une invitation au rêve et à l’imagination.
Comment rendre le désert sur scène?
La scénographie se veut épurée. Une tente de bédouin se dresse sur scène et se transforme au gré des situations que Théodore Monod vit dans le désert, créant ainsi plusieurs espaces de jeu. Des projections vidéo, mêlant images et dessins sur sable, enrichissent l’univers visuel et renforcent l’immersion poétique.
Une vie dans le désert
Né en 1902, Théodore Monod descend d’une lignée de cinq générations de pasteurs du côté de son père. Il fonde une Société d’histoire naturelle à 16 ans. Il entre au Muséum national d’histoire naturelle de Paris en 1922 et part rapidement en mission. Géologue, zoologue, botaniste, il arpente le Sahara pendant plus de soixante ans, à dos de dromadaire ou à pied. Il multiplie les explorations géologiques et préhistoriques. Chrétien engagé, il milite contre la guerre d’Algérie, jeûne devant la base militaire de Taverny en France pour protester contre l’arme nucléaire et s’oppose à tout ce qui, selon lui, dégrade l’homme: guerre, corrida, chasse, alcool, tabac, violence sociale. En 1963, il entre à l’Académie des sciences. Il accède à la notoriété dans les années 1980 grâce à un film retraçant un de ses voyages en Mauritanie. Il est le grand spécialiste des déserts du XXe siècle et bon nombre de ses 1200 publications sont considérées comme des références. Protestant libéral, unitarien et sympathisant de l’anarchisme chrétien, il s’éteint en 2000.
Côté pratique
Spectacle Théodore Monod de la compagnie La Marelle, mis en scène par Myriam Sintado. Première le dimanche 5 octobre, à 17h, au théâtredu Bateau-Lune à Cheseaux.
Le spectacle partira en tournée en Suisse romande en octobre et novembre. Il sera joué au Centre culturel des Terreaux les 22 et 25 janvier. Programme complet sur compagnielamarelle.ch.