Le fanatisme religieux s'en prend à l’autonomie humaine

Fanatisme religieux, quelles explications? / IStock
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Fanatisme religieux, quelles explications?
IStock

Le fanatisme religieux s'en prend à l’autonomie humaine

13 novembre 2003
Dans un livre particulièrement fouillé, Jean-Louis Schlegel analyse l’origine et le discours des fondamentalistes et autres extrémistes, qui prétendent mettre la loi de Dieu au-dessus de la liberté des hommes dans leur refus radical de la modernité dont ils sont pourtant issus

Intégrisme et fondamentalismes sont les nouveaux spectres du XXIe siècle. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, nul ne peut ignorer les excès de la passion religieuse, de cette frange sombre des grandes religions. Pour Jean-Louis Schlegel, auteur de "La Loi de Dieu contre la liberté des hommes " (aux éditions du Seuil), leur apparition résulte toujours de la même cause : l’avènement d’un monde moderne vécu comme insupportable.
Ainsi, le schisme des intégristes catholiques opéré par Mgr. Lefevre s’explique par la réforme entreprise par Rome pour se réconcilier en partie avec la modernité d’après les Lumières et la Révolution française. Aux Etats-Unis et en Amérique latine, le succès des fondamentalistes protestants est dû aux « révolutions culturelles et morales de l’individualisme postmoderne dans lequel ils voient le déclin de la civilisation chrétienne ». Du côté musulman, l’islamisme – au delà de ces différentes mouvances – se présente avant tout comme une « vive réaction contre la modernité » et l'expression du rêve de Médine, la cité idéale des origines, accomplissement de la volonté du Coran.

Le paradoxe de la modernité

Le paradoxe de la modernité est apparent, souligne Jean-Louis Schlegel : pour lui, intégrisme et fondamentalisme sont en fait « des formes religieuses typiquement modernes. Ils apparaissent quand les principes de la modernité politique, sociale, scientifique, technique et culturelle ne laissent plus les grandes religions indemnes».
Auparavant, islam comme chrétienté constituaient la société et la civilisation. Certes, l’Eglise a connu de tout temps des dérives sectaires, mais leur cause était la réforme de l’Eglise dans une société foncièrement chrétienne, et non pas comme aujourd'hui, le maintien des positions de l’Eglise dans une société qui n’est plus chrétienne .
Depuis plusieurs décennies, l’Etat cède du terrain face à l’individu. Toutes les fatalités seront un jour vaincues par la science, et le bien être dans cette vie-ci évacue la crainte de l’au-delà. Dieu devient inutile. Avec le monde moderne, rappelle Jean-Louis Schlegel, commence aussi l’âge de l’autonomie de l’homme. C’est-à-dire, au sens étymologique, la possibilité pour l'humain de trouver sa propre loi (du grec « autos » soi-même et « nomos » loi), et de « construire la cité humaine avec sa seule raison ». Les extrémistes religieux y débusquent « un orgueil intolérable, une usurpation de la place de Dieu ».

Emprise du religieux

L'instauration de la démocratie, contrairement aux régimes politiques qui la précèdent, « n’a pas de fin assignée, n’étant pas bâtie sur la promesse d’un avenir radieux ». L’une de ses caractéristiques majeures est une sécularisation de la société, qui met fin à l’intégration du religieux dans tous les domaines de la vie : " Les cadres sociaux, mais aussi des pans entiers de la vie quotidienne – économie, politique, culture, enseignement, droit, etc. - se soustraient plus ou moins brutalement à l’emprise de la religion pour constituer des sphères indépendantes ». Cette séparation aura, notamment en France, où la rupture avec l’Eglise a été d’autant plus forte que l’emprise du religieux y était importante, son cadre juridique : la laïcité.
Pour l’auteur, fondamentalisme et intégrisme présentent donc de nombreux points communs, de la dénonciation de l’autonomie humaine au désir d’un retour à un fondement religieux de la société. Jean-Louis Schlegel maintient néanmoins une distinction entre ces deux termes. Si les intégristes catholiques se réclament de la tradition, les fondamentalistes protestants revendiquent plutôt le fondement des Ecritures, dans la ligne luthérienne de la « Sola Scriptura ». Ils s’appuient sur la Parole lue littéralement . Théologiquement, leur émergence au début du XXe siècle se fait en opposition à la propagation de la méthode d’analyse historico-critique appliquée aux textes saints, qui remet par exemple en cause la véracité des miracles. « Dénonçant le darwinisme ou encore le socialisme, les fondamentalistes protestants réaffirment l’inerrance de la Bible ».

A lire
Jean-Louis Schlegel, La Loi de Dieu contre la liberté des hommes: intégrismes et fondamentalismes, Seuil, 2003

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