Berlin qualifiée d'"impie" par Goethe

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Berlin qualifiée d'"impie" par Goethe

12 octobre 2009
Berlin - La pasteure berlinoise, Ruth Misselwitz, la cinquantaine, a été témoin dans sa communauté de la transformation d'une Eglise dans l'opposition du temps de la République démocratique allemande (RDA) en une Eglise étatique sur le modèle de l'Ouest. Elle travaille depuis plus de 20 ans dans une Eglise protestante de Pankow, un ancien quartier de Berlin-Est.


BERLINER ZEITUNG: Madame Misselwitz, savez-vous qui a été le premier à parler de « Berlin l'incroyante»?

MME MISSELWITZ: Non. Qui donc?

Goethe. Il a écrit il y a 200 ans, qu'en Europe, il n'y avait pas de lieu plus impie.

Je n'ai encore jamais eu l'impression de vivre parmi des gens impies. Pas même à l'époque de la RDA.

Mais à l'époque, vous étiez encerclés par les communistes.

J'estime que personne n'est abandonné par Dieu, pas même les athées ou les communistes. Tous les êtres humains sont des créatures de Dieu, sans exception. Si quelqu'un est rempli de nostalgie par exemple, c'est, selon moi, quelque chose de l'ordre du religieux.

Regrettez-vous parfois l'époque communiste, quand l'Eglise était encore dans l'opposition, et pas étatique comme aujourd'hui?

Nous avions une place importante en RDA, c'est vrai. Et j'ai été très fâchée, quand après la chute du mur, nous n'avons plus eu aucune imagination et n'avons en réalité fait que reprendre l'ancien système appliqué dans les Eglises de la République fédérale d'Allemagne (RFA).

Cela a été presque partout le cas.

Oui, et puis il y a eu une vague importante de gens qui ont quitté l'Eglise juste après le changement de régime. Personne n'avait prévu cela.

Comment interprétez-vous cette exode?


Il y avait plusieurs raisons à cela: par exemple, le fiancement de l'Eglise se faisait sur une base volontaire du temps de la RDA. Du jour au lendemain, les membres de l'Eglise ont dû accepter l'impôt ecclésial. L'enseignement religieux à nouveau dispensé dans les écoles en a aussi dérangé plus d'un. (...) Comme beaucoup l'ont dit,  l'Eglise n'est désormais plus le lieu de la critique. Elle s'est transformée en une Eglise étatique et conservatrice – ce que  nous ne voulons pas.

Ce changement de statut a-t-il été difficile à vivre?

Beaucoup ont ressenti cela. Ce litige sur l'enseignement religieux à l'école a été très dangereux. Notre Eglise a trop insisté sur le droit constitutionnel, arguant que nous ne devons pas nous faire écarter. Je ne connaissais pas cette expérience du temps de la RDA. Car à l'époque nous offrions quelque chose qui nous était demandé. Il ne s'agissait en aucune manière de défendre une position.

Les gens viennent-ils maintenant voir avec d'autres préoccupations?


Du temps de la RDA, cette totale incertitude existentielle était inconnue. A l'époque, il s'agissait plutôt de colère ou de ressentiment face à l'Etat. Aujourd'hui, de très nombreuses personnes viennent alors qu'elles luttent constamment pour conserver un poste de travail ou tout simplement pour en trouver un. Elles se sentent blessées dans leur dignité et s'interrogent sur leur valeur quand leurs expériences quotidiennes ne cessent de leur renvoyer l'image qu'elles ne valent rien.

Et vous? Avez-vous des réponses différentes que celles que vous offriez du temps de la RDA?

Notre message n'a pas changé. La question est de savoir si nous parvenons à construire une société dans laquelle les gens se sentent valorisés, où ils peuvent trouver leur dignité. Ceci reste la mission centrale des communautés religieuses.

 

Quelques mots:

Pour les 20 ans de la chute du mur, l'équipe de ProtestInfo a décidé de se rendre à Berlin. Car les Eglises protestantes ont joué un rôle-clé dans la mobilisation, qui a précédé le changement de régime en ex-RDA.

Le premier papier est un extrait d'une interview publiée dans la "Berliner Zeitung". Une pasteure berlinoise, qui a participé aux événements, nous donne quelques éléments pour appréhender l'impact de cette révolution "pacifique" sur le rôle des Eglises protestantes. Nous avons trouvé cette solution, car Mme Misselwitz vient de partir en Afrique du Sud après les élections en Allemagne, où son mari était engagé sous les couleurs du parti socialiste (SPD).