Crise: les protestants hésitent à collaborer davantage

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Crise: les protestants hésitent à collaborer davantage

11 janvier 2010
Extrait de « La guerre aux pauvres », J.-M. Bruyère

Cantonalisées à l'extrême, les Eglises protestantes disposent de moyens radicalement différents si elles se trouvent à Neuchâtel, Genève ou Zurich et Berne. Si en période de crise, les Romands soutiennent les quelques organes régionaux ou nationaux et envisagent même leur développement, l'utilité de ces dernières se fait moins pressante pour certaines Eglises alémaniques.


Avec la crise, des Eglises riches, situées en Suisse alémanique, trouvent difficile de financer des organes régionaux ou nationaux. « Quand vous devez diminuer le salaire et le nombre de pasteurs, c'est délicat d'expliquer aux paroissiens qu'il faut augmenter le financement des organisations hors du canton », a expliqué à ProtestInfo Ruedi Reich, président de l'Eglise réformée zurichoise.


Etranglée financièrement, l'Eglise neuchâteloise est l'une de celles qui a milité pour que la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) diminue la contribution des Eglises membres. La FEPS a d'ores et déjà décidé de faire baisser cette participation de 2% pour 2011.

Parallèlement, une commission est chargée d'analyser les flux financiers du protestantisme suisse. « Un moment historique, car c'est la première fois que l'on va dresser un aperçu de toutes les organisations supra-ecclésiales de Suisse et de leur financement », s'est enthousiasmé Thomas Wipf, président de la FEPS, dans un communiqué. 

Cette commission devra proposer ses premières pistes pour le budget 2013 de la FEPS. Pour l'heure, elle n'a pas encore été formée. Elle devrait être composée de membres de l'assemblée générale et non du conseil de la FEPS. Un affrontement feutré a déjà eu lieu entre les grandes Eglises alémaniques et la FEPS au sujet de la composition de cette commission, car les grandes Eglises tiennent à garder la main et à ne pas déléguer davantage de compétences à la FEPS. Urgence "Les décisions prises par la FEPS ne vont pas assez loin et ne sont pas assez rapides", estime pour sa part Gabriel Bader, président de l'Eglise évangélique réformée neuchâteloise (EREN). Cette Eglise a vu ses recettes passer de 11,5 millions de francs en 2000 à 9,2 en 2009. Pour elle, il y a urgence que la FEPS comme les autres organes supra-régionaux tiennent compte de l'évolution des capacités financières des Eglises membres.

Dans le scénario proposé, M. Bader regrette que ce chiffre de 2%, articulé par la FEPS (soit près de 100 000 francs) ne repose ni sur une vraie analyse financière, ni sur celle des missions. « Nous serions même prêts à augmenter les contributions aux organes communs », a-t-il dit, si les Eglises parviennent à se mettre d'accord sur des activités qui auraient davantage de sens à être accomplies à un niveau régional ou national plutôt que cantonal. M. Bader appelle encore de ses voeux une révision de la clé de répartition des contributions en faveur de la Conférence des Eglises romandes (CER) et de la FEPS.

La nécessité d'organes régionaux et nationaux n'est plus à prouver, a expliqué Jean-Michel Sordet, un des nouveaux membres de l'exécutif de l'Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV). L'EERV est pourtant confrontée à une baisse de moyens, imputée à une nouvelle répartition de la manne cantonale entre catholiques et protestants. L'EERV n'entend toutefois pas remettre en question le financement d'organisations comme la CER, qu'elle soutient à hauteur de quelque 60%.
Repli ou solidarité

Plus largement, « il s'agit d'analyser le système très compliqué des protestants en Suisse, puis de le simplifier pour éviter les doublons », a poursuivi le Vaudois. « Chaque Eglise cantonale doit éviter de se replier sur elle-même et nous devons poursuivre le jeu de la solidarité », a-t-il relevé.

Plusieurs secteurs mériteraient d'être davantage appréhendés à un niveau au moins romand comme la formation continue des pasteurs, la catéchèse, l'organisation des facultés de théologie et la libre circulation des pasteurs entre les différents cantons, selon M. Sordet.

Au niveau national, la FEPS a tout son sens quand il s'agit de connaître un point de vue protestant sur une question politique comme l'euthanasie ou la politique des réfugiés. Pour ne citer qu'une des activités de la FEPS, son rôle reste central lors des procédures de consultation sur des objets de politique fédérale.

De l'autre côté de la Sarine, l'utilité de la FEPS ou d'autres organes supra-régionaux se font moins sentir. Même si elles n'en nient pas l'intérêt, des Eglises comme celle de Berne reste suffisamment puissante pour pouvoir vivre sans eux.

« On compte 70% de réformés dans le canton de Berne et jusqu'à 90% dans l'Oberland », a expliqué  Pia Grossholz, vice-présidente de l'Eglise Berne-Jura-Soleure. « Nous sommes encore une Eglise de la majorité », explique-t-elle.

A Zurich, les protestants doivent davantage composer. L'Eglise réformée zurichoise, la deuxième de Suisse, a échappé par deux tiers de voix contre un tiers à un référendum soumis en votation populaire au milieu des années 90. Celui-ci préconisait la fin de l'impôt ecclésiastique. Pour s'adapter au changement démographique, les réformés ont laissé davantage de place aux catholiques et revisitent régulièrement leurs offres pour rester pertinents face à une société en mutation, a expliqué Ruedi Reich, son président.

A St-Gall, où se niche une Eglise réformée de taille moyenne, Dölf Weder, son président, considère que les structures communes du protestantisme en Suisse alémanique sont trop nombreuses et trop compliquées. Il en appelle aussi à une simplification et à une suppression des doublons. Mais il s'agit d'une réflexion à long terme. Il est sceptique sur la rapidité d'un tel processus.

Si les Eglises alémaniques connaissent une moins grande urgence financière que les romandes, elles n'en essaient pas moins d'anticiper les changements. Une étude, intitulée « Die Zukunft der Reformierten » (L'avenir des réformés), réalisée par Jörg Stolz, directeur de l'Observatoire des religions à l'Université de Lausanne est sur le bureau de la FEPS. En allemand uniquement, pour l'instant. (tb)

NOTE: paragraphes concernant l'Eglise zurichoise légèrement modifiés.