Choisir la vie malgré tout

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Choisir la vie malgré tout

Anne-Sylvie Mariéthoz
1 novembre 2011
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Retrouver goût à la vie lorsqu'on est submergé par le désespoir et le sentiment d'absurdité, c'est le thème de la prochaine conférence donnée à l'Espace culturel des Terreaux à Lausanne par Lytta Basset. Entretien avec la théologienne et accompagnatrice spirituelle.



ProtestInfo : Dans votre pratique de l'accompagnement spirituel, vous êtes souvent confrontée à des personnes en quête de sens. Et certaines d'entre elles se posent la question du suicide. Notre société contemporaine vous semble-t-elle particulièrement concernée par ce problème?

Lytta Basset: Oui, parmi nos contemporains la question du sens de la vie se pose souvent, peut-être aussi parce qu'aujourd'hui, en Occident, on se préoccupe davantage de la qualité de vie. On devient davantage conscient de l'impact qu'on peut avoir sur sa propre vie.

En accompagnement spirituel, ce qui se produit fréquemment, c'est – à la suite d'événements déstabilisants ou traumatisants du présent – une «plongée» dans un passé ou une enfance où l'on n'a rien compris au comportement des adultes (par exemple ils disaient aimer mais maltraitaient quotidiennement), ni au sens de ce qui arrivait (par exemple un deuil, une maladie, etc.): personne ne mettait les mots sur ce qui était vécu; pour l'enfant d'alors, ça n'avait aucun sens. Ainsi, le sentiment présent d'absurdité est accru par toute une caisse de résonance qui souvent, dans un premier temps, échappe à la personne.

ProtestInfo: Vous dites que la Bible n'interdit nulle part le suicide. Vous affirmez que "si Dieu a créé l'être humain libre, alors celui-ci a la liberté de faire ce choix." L'éthique protestante accorde, selon vous, une place essentielle à la liberté.

Lytta Basset: Disons plutôt que l'éthique protestante, ici comme souvent, s'inspire avant tout de la Bible: il n'existe aucun interdit sur le suicide dans toute la Bible. Et quand un suicide est relaté (4, 6 ou 9 fois selon la compréhension des passages en question), on ne trouve pas l'ombre d'un jugement ou d'une condamnation. Très régulièrement au fil des Livres bibliques, l'être humain est replacé devant un choix à faire personnellement: «J'ai mis devant toi la vie et la mort, dit Dieu, la bénédiction et la malédiction...». Choisir la vie malgré tout, c'est à refaire chaque jour et, pendant les pires périodes, plusieurs fois par jour! Je ne vois pas dans la Bible un Dieu qui nous condamne à vivre.

ProtestInfo: On débat beaucoup de la question de l'assistance au suicide. Est-ce que vous englobez dans votre réflexion les personnes en fin de vie?

Lytta Basset: Oui, le choix entre le suicide/l'assistance au suicide ou «la vie malgré tout», à mon point de vue, concerne tout être humain jusqu'à son dernier souffle. La dignité est de ce côté-là: il s'agit de considérer toute personne comme un sujet libre, responsable de ses actes... et de lui donner envie de choisir encore la vie malgré tout. Ainsi la responsabilité de l'entourage se trouve-t-elle mobilisée: à moi, à nous d'être assez relationnels pour susciter la personne, pour re-susciter en elle l'envie de vivre par notre soif de liens vivants et riches avec elle.

ProtestInfo: Quels sont les passages bibliques qui ont particulièrement nourri votre réflexion sur ce sujet? Pouvez-vous esquisser les pistes que vous allez développer?

Lytta Basset: Dans le texte biblique que j'ai cité plus haut (Dt 30, 19 b), j'ai été très frappée par la suite qu'on traduit d'habitude par: «choisis la vie afin que tu vives, toi et ta descendance!» Mais il ne s'agit pas du tout d'un impératif: c'est un verbe qui en hébreu est au mode accompli; quelque chose s'est passé, qui dure encore: «tu as choisi /tu choisis la vie...». C'est comme si le Vivant, le Tout Autre-que-nos logiques-de mort, disait en connaissance de cause: «le choix de la vie est déjà inscrit au plus profond de toi, et moi Je crois en toi, tu es tout à fait capable de choisir le vie, aussi difficile et invivable soit-elle en ce moment pour toi». Quand un autre – et cela peut être n'importe quel proche – nous reflète notre ancrage dans la vie, qui est avant tout notre potentiel relationnel, c'est parfois suffisant pour que nous ... laissions une chance à la vie!

  • Conférence organisée en collaboration avec la Société d'études thanatologiques et l'Office Eglise et société de l'EERV. Mercredi 2 novembre 2011 à 19h30 à l'Espace culturel des Terreaux

LIENS : www.terreaux.org

PARCOURS EXPRESS

Lytta Basset a été pasteure pendant dix-sept ans à Genève avant de devenir professeure de théologie à l'Université de Lausanne puis de Neuchâtel. Directrice de la revue internationale de théologie et spiritualité "La Chair et le Souffle", elle a publié de nombreux livres, dont "Guérir du malheur" et "Le pouvoir de pardonner" (1999), "La joie imprenable" (1996), "Sainte colère" (2002), "Ce lien qui ne meurt jamais" (2007), "Aimer sans dévorer" (2010). Disposant d'une longue pratique de l'accompagnement spirituel Lytta Basset a lancé une formation continue dans ce domaine à l'Université de Neuchâtel.