Initiative contre l’éducation sexuelle à l’école ou quand les a priori idéologiques prennent le dessus

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Initiative contre l’éducation sexuelle à l’école ou quand les a priori idéologiques prennent le dessus

Jean Martin
2 mai 2012
La presse a évoqué ces dernières semaines les efforts d’un comité d’initiative « contre la sexualisation à l’école maternelle et l’école primaire ». Il s’agit dans le présent commentaire de traiter de l’erreur de fond de cette démarche et pas des déboires du dit comité (dont on a appris qu’un membre avait été condamné pour des actes sexuels avec une mineure).




Il convient de placer cette initiative dans un contexte international plus large d’une droite conservatrice, souvent dite « chrétienne », propageant avec des moyens financiers qui semblent illimités, aux Etats-Unis notamment, des théories totalement ascientifiques, contraires à ce que les faits démontrent.

Ainsi le créationnisme: on se demande comment dans un pays où l’éducation est accessible à tous, des millions de gens se laissent berner par l’allégation que la création du monde selon la Genèse est une fait (pré-)historique plutôt qu’une belle métaphore. Notons aussi, à propos d’un thème très actuel, que ces mêmes milieux refusent toute préoccupation écologique, au motif que Dieu tout-puissant ne saurait permettre le réchauffement climatique ou l’épuisement des ressources…

Dans la même veine est propagé le mythe que parler objectivement, pédagogiquement, de manière pondérée, en évitant des clichés dépassés sur le statut et le rôle de la femme par exemple, a le potentiel de déboussoler et, pire que cela, débaucher notre belle jeunesse. Aux Etats-Unis où les commissions scolaires (School Boards) ont un poids politique inconnu chez nous (et font l’objet d’élections par la collectivité), ces instances bloquent dans les Etats conservateurs une éducation sexuelle dont le besoin est pourtant patent.

Conséquences sociales et de santé publique désastreuses

Cette pruderie (le mot est trop aimable) a des conséquences désastreuses d’un point de vue social et de santé publique: ignorance amenant à des comportements à risque, entrée dans la sexualité marquée par la violence, maladies sexuellement transmissibles etc. Dans mon activité de médecin cantonal, j’ai eu à constater ici, chez des jeunes filles immigrées récentes, un véritable « analphabétisme sexuel », menant aux relations non consenties, troubles psycho-sociaux et autres malheurs.

Aux Etats-Unis, on voit des taux de grossesse chez des adolescentes qui sont les plus élevés des pays développés (...). Grossesses adolescentes qui, cela n’étonnera pas, touchent de manière disproportionnée les groupes défavorisés dans la société.

Aux Etats-Unis, on voit des taux de grossesse chez des adolescentes qui sont les plus élevés des pays développés, avec leur cortège de complications: avortement, parfois tardifs, possible stérilité ultérieure, infections. Grossesses adolescentes qui, cela n’étonnera pas, touchent de manière disproportionnée les groupes défavorisés dans la société.

Soulignons encore que des études, sous l’égide de l’OMS notamment, ont bien démontré que les jeunes qui ont bénéficié d’éducation sexuelle ont des relations sexuelles moins précoces, moins fréquentes et moins à risques que leurs congénères qui n’en ont pas eu. N’est-ce pas là un résultat qui doit satisfaire chacun?

Il y a lieu de rappeler que si, depuis trente ans, le nombre d’interruptions de grossesse en Suisse a nettement baissé, on le doit pour beaucoup à l’éducation sexuelle mise en place dans les écoles. Enfin, faut-il rappeler un effet actuel d’un certain «libéralisme», à savoir la marée pornographique sur la toile. En plus de ses mérites déjà démontrés, l’éducation sexuelle dès l’école contribue à contrecarrer les effets délétères de ces dérives.

Il importe de remplacer des craintes mythiques par la considération des faits et de promouvoir l’éducation sexuelle dans les écoles, de manière adaptée à l’âge et au niveau des enfants, avec des matériels choisis. Etant entendu que, comme tout ce qui est prodigué dans l’école publique, cette éducation mérite d’être suivie et évaluée de manière appropriée.

  • Ce texte, raccourci, a été publié dans le courrier des lecteurs du Temps le 26 avril 2012.
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