L’histoire de la présence chrétienne dans la région du Kurdistan est longue; d’après les récits traditionnels, Saint André aurait été le premier missionnaire et les premières communautés dateraient du Ve siècle. La plupart de chrétiens kurdes appartiennent à la tradition chaldéenne ou syrienne.

Nous* venons de nous rendre dans l’un des ces villages de montagne, Merkagia. La route depuis Dohouk est longue et sinueuse; le dernier tronçon qui s’étend sur plus de deux heures de route, n’est pas goudronné et notre minibus peine quelque peu. Nous arrivons enfin chez notre hôte, juste avant la tombée de la nuit.

Il nous accueille dans sa maison située à côté de l’église, au centre du village. L’endroit est paradisiaque. Montagnes, vergers, fleurs sauvages, ciel grand ouvert et quelques simples maisons au milieu du paysage.

Le refuge des montagnes raconte cependant une histoire plus complexe, un mélange d’identités ethniques et religieuses. Notre hôte se définit non seulement comme chrétien (chaldéen catholique), mais également d’origine assyrienne, descendant ainsi des populations anciennes du territoire irakien.

À la croisée des grands empires de la Mésopotamie, ce petit village semble tout à coup surgir d’une histoire inimaginable, la trace d’un passé que je ne connaissais que dans mes livres. Le plus fascinant pour moi, c’est qu’aux pieds de ces mêmes montagnes s’étant la ville de Mossoul, connue dans les récits bibliques sous le nom de Ninive.

Je pense alors à Jonas et à sa venue à Ninive. Jonas fait partie d’un héritage biblique repris par les trois traditions abrahamiques et raconte, au-delà du jugement, l’expérience d’un pardon divin accordé à quiconque se repend. Au cœur de cette terre témoin de tant de guerres, de violences et de persécutions, un prophète est venu, il y a bien longtemps, prêcher la grâce divine.

Si le Kurdistan irakien est aujourd’hui un refuge pour bon nombre de personnes fuyant les conflits environnants, la parole prophétique y trouvera peut-être refuge elle aussi, transformant contre son gré le jugement des temps!

J'ai passé un mois de bénévolat dans le Kurdistan irakien avec les membres des Christian Peacemaker Teams (CPT) qui ont établi divers projets dans cette région depuis 2006. Le travail de CPT, un travail d’accompagnement en priorité, se divise en trois axes principaux: soutenir la résistance civile non-violente qui se bat pour des réformes politiques et sociales; soutenir les ONG locales qui luttent pour les droits humains, en particulier les droits de la femme; et finalement, visiter régulièrement les communautés qui vivent dans les montagnes kurdes aux frontières turque et iranienne et souffrent des opérations militaires autorisées contre la résistance kurde armée.

CPT ayant été fondé dans les années 30 par des représentants des églises pacifistes (Mennonites, Quakers et Brethren), l’adjectif «Christian» attaché à l’organisation indique prioritairement une référence à une vision chrétienne de la non-violence et à la tradition théologique d’évangile social. Les membres de CPT ne sont d’ailleurs pas exclusivement chrétiens et, tel Mahommed, notre traducteur kurde, d’autres perspectives religieuses trouvent leur place dans le travail des équipes.

Dans ce contexte, les communautés chrétiennes du Kurdistan ne sont que marginalement intégrées au travail de CPT; elles jouissent ici d’une vie relativement calme et protégée par le gouvernement régional. La majorité d’entre elles se concentrent dans 24 villages situés autour de Dohouk, une ville au nord-ouest du Kurdistan irakien dont certaines sont perchées très haut dans les montagnes.

Muriel Schmid, MAI-JUIN 2013

A LIRE:

• Droits des femmes au Kurdistan, partenaire local WOLA
  
• Le blog de Muriel Schmid CPT Kurdistan : http://mschmidcpt.wordpress.com/
  
• Article dans La Croix sur les chrétiens du Kurdistan