Allo! Je voudrais un portable qui ne soit pas taché de sang

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Allo! Je voudrais un portable qui ne soit pas taché de sang

5 décembre 2013
Francfort-sur-le-Main (epd - ProtestInter) Votre réfrigérateur consomme peu, votre fromage blanc est bio, et vos bananes sont issues du commerce équitable: pourtant, lorsqu’il s’agit d’acheter un portable, le consommateur est perplexe: où trouver un smartphone qui soit respectueux de l’environnement et produit dans des conditions conformes aux principes de la dignité humaine?

Les téléphones mobiles contiennent souvent des métaux rares provenant de régions en proie à la guerre civile, où les milices et les rebelles terrorisent la population. Comment trouver un portable qui ne soit pas taché de sang. «À la différence de ce qui se passe avec les bananes, pour les portables, il ne va pas encore de soi de trouver une alternative issue du commerce équitable», explique Jörg Nowak, de l’organisation d’entraide catholique missio à Aix-la-Chapelle. Rien d’étonnant à cela, car les conditions équitables sont beaucoup plus difficiles à garantir pour les appareils électroniques que pour les produits alimentaires.

Chaque smartphone se compose de centaines de pièces, les chaînes de production s’étirent autour du monde. Pour la fabrication, 40 matières premières différentes sont nécessaires, parmi lesquelles l’argent, l’or, le cuivre, le cobalt et le coltan. Le coltan est un minerai qui ne se trouve que dans quelques pays, dont le Congo. «Lorsque, vers l’an 2000, la demande mondiale de portables a commencé à augmenter, les groupes congolais impliqués dans la guerre civile ont exploité cette ressource», explique Jörg Nowak.

«Les seigneurs de la guerre ont délibérément conquis les zones riches en coltan.» Ils avaient besoin d’argent pour acheter des armes et nourrir leurs combattants. La guerre civile se poursuit encore aujourd’hui dans ce pays d’Afrique centrale. Le commerce des matières premières pour portables est profitable. «À eux seuls, le coltan et l’or contenus dans les 35 millions de portables qui arrivent chaque année sur le marché en Allemagne représentent 60 millions d’euros», indique Jörg Nowak.

La jeune entreprise néerlandaise Fairphone se profile aujourd’hui comme une pionnière dans le domaine des portables éthiques. Dans le courant de décembre, Fairphone passera le cap des 25 000 téléphones mobiles équitables livrés à des clients.

Ce n’est qu’une goutte d’eau dans la mer en comparaison des 720 millions de portables vendus dans le monde l’année dernière. Si elle fait aussi venir des minerais du Congo, Fairphone assure que ceux-ci viennent pour la plupart de mines situées en dehors des zones de conflit.

Pourtant, les matières premières contenues dans ce portable, vendu 325 euros, ne sont pas toutes issues du commerce équitable. «Nous ne pouvons pas encore vérifier si tous les maillons de notre chaîne de livraison respectent des normes d’équité», reconnaît le porte-parole Robin van Peppen. Mais à long terme, l’entreprise veut changer cela. Un deuxième lot de Fairphones est déjà en projet.

Conditions de travail inhumaines

Autre point noir des smartphones: les chaînes de montage. Les conditions de travail y sont souvent inhumaines. En 2010, treize ouvriers de l’entreprise de sous-traitance Foxconn, en Chine, se sont jetés dans le vide du toit d’une fabrique – un suicide collectif destiné à mettre en évidence les conditions de travail y régnant.

On a reproché à des fabricants tels qu’Apple ou Samsung de tolérer les pratiques de leurs sous-traitants – des salaires qui ne suffisent même pas à couvrir les besoins les plus élémentaires, le travail en contact avec des substances toxiques, la semaine de 72 heures. Les groupes incriminés ont promis des améliorations, mais les récriminations que l’on peut leur adresser ne diminuent pas.

Le Fairphone est également assemblé par des travailleurs chinois – avec un salaire suffisant et des horaires de travail honnêtes, souligne Robin van Peppen. «Nous aurions pu produire les portables en Europe, dit-il, mais nous voulions montrer qu’on peut changer les conditions de travail en Chine.»

Celui ou celle qui veut se procurer un téléphone bio, le cherchait jusqu’alors en vain. Beaucoup d’exploitations minières ont des conséquences fatales pour l’environnement. «L’extraction de l’or est la plus grande cause de pollution au mercure dans le monde», selon Benjamin Bongardt, de l’Association allemande de protection de la nature NABU. Il recommande d’utiliser les portables aussi longtemps que possible.

L’Institut de politique du développement Südwinden estime qu’il y a dans les tiroirs allemands quelque 120 millions de vieux portables non utilisés. Et ce nombre augmente chaque année. «Quand le smartphone ne fonctionne plus, on peut aussi en acheter un d’occasion», recommande Benjamin Bongardt. Une personne qui utilisait jusqu’ici deux téléphones, afin de séparer le professionnel du privé, peut maintenant se contenter d’un seul qui fonctionne avec deux cartes SIM. Le Fairphone a aussi cette capacité.

Amélioration générale des normes sociales et écologiques

Les fondateurs de l’entreprise Fairphone espèrent que leur initiative contribuera à promouvoir une amélioration générale des normes écologiques et sociales imposées à la fabrication des portables. Le géant de l’électronique Samsung, en tout cas, communique que d’ici fin 2013 tous ses sous-traitants n’utiliseront plus que du coltan en provenance de zones libres de conflit.

L’entreprise coréenne est à l’heure actuelle la plus grande productrice de smartphones dans le monde. «En outre, nous contrôlons en permanence nos sources d’approvisionnement afin de garantir qu’elles correspondent aux normes internationales de notre branche», assure le siège central de Samsung en Allemagne. Mais le niveau de ces normes prête à discussion.
(FNA-122)