Comment fêter les 65 ans de la Déclaration universelle des droits de l’homme?

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Comment fêter les 65 ans de la Déclaration universelle des droits de l’homme?

Pierre Bühler
11 décembre 2013
C’est le 10 décembre 1948 que fut proclamée la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée par l’Assemblée générale des nations Unies. Nous avons donc eu l’occasion, mardi, de marquer les 65 ans de ce texte important. Ainsi, la Déclaration a atteint l’âge qui, pour beaucoup de personnes, signifie le début d’une retraite bien méritée! Faut-il lui souhaiter, à elle aussi, de longues années de repos, garanties par une pension la récompensant des nombreux services rendus?

Malheureusement pour elle, il faut dire qu’elle n’a pas fini de servir, et de beaucoup s’en faut. S’il est question d’une retraite, il faudra pour le moins qu’elle soit très active, comme pour ceux qu’on appelle les jeunes retraités! Car il y a encore du pain sur la planche pour faire passer le respect des droits de l’homme, encore régulièrement bafoués en de nombreuses régions de la planète.

Les exemples seraient innombrables, et même dans notre pays. J’en choisis deux qui sont précisément d’actualité en Suisse ces temps.

a) Le parlement est appelé à débattre de l’accord de libre-échange entre la Suisse et la Chine, un document de plus de mille pages signé durant l’été passé. Or, les négociateurs suisses n’ont pas réussi à y faire figurer une seule fois la question du respect des droits de l’homme, mis à part un renvoi très formel à la Charte des Nations Unies.

L’ont-ils vraiment essayé? Le conseiller fédéral impliqué, Johann Schneider-Ammann, estime que la Chine a fait de grands progrès en matière de droits de l’homme et de protection des travailleurs. Les organisations non gouvernementales ne sont pas de cet avis.

À tous ceux qui usent quotidiennement de leurs écrans tactiles, on peut recommander de prendre connaissance du reportage qu’elles proposent sur l’usine qui les fabrique dans le Sud de la Chine: elle engage 40'000 ouvriers qui travaillent onze heures par jour, avec un seul jour de congé par mois; le contrat de travail contient une clause contraignant le signataire à accepter des heures supplémentaires, si nécessaire; les mesures de sécurité sont minimales, si bien qu’il y a régulièrement des accidents de travail; ces derniers mois, plusieurs employés se sont suicidés. De grands progrès, vraiment?

b) Pendant très longtemps, la conseillère fédérale responsable du Département fédéral de justice et de police se targuait d’avoir accueilli une septantaine de Syriennes et Syriens fuyant la guerre civile sévissant dans leur pays! Chiffre ridicule, honteux, quand on sait que plusieurs millions d’émigrés syriens ont fui et continuent de fuir dans les pays environnants, la Jordanie, la Turquie, le Liban.

On s’était donc réjoui d’apprendre en septembre que l’obtention de visas d’entrée en Suisse serait facilitée pour des personnes ayant de la parenté syrienne en Suisse. Mais deux mois plus tard, les autorités font marche arrière, parce que les services seraient débordés par les demandes! 719 personnes entrées en Suisse, 881 susceptibles d’entrer en Suisse, et peut-être 5'000 personnes annonçant leur vœu de venir: stop, c’est déjà bien trop pour cette pauvre Suisse! On ne peut tout de même pas accueillir toute la misère du monde! Et pourtant, cela ne fait toujours que 0,08% de la population suisse.

Mais comment diable se débrouillent la Jordanie, la Turquie et le Liban avec plusieurs millions de personnes? «Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays», dit l’article 14 de la Déclaration de 1948.

Dès lors, comment fêter ce 65e anniversaire? Donnons-nous un petit répit, pour contempler un instant le chemin parcouru et pour dire toute notre reconnaissance, puis soufflons les 65 bougies et retournons sans tarder au travail! Parce que, du travail, il y en a!

Cet article a été publié dans :
Les quotidiens neuchâtelois L'Express et L'Impartial le 11 décembre 2013.