Faut-il revenir au christianisme pour vaincre la peur de l’islamisation?

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Faut-il revenir au christianisme pour vaincre la peur de l’islamisation?

7 octobre 2015
Protestinfo propose régulièrement des éditos rédigés par des membres des rédactions de Médias-pro

Laurence Villoz, journaliste à Protestinfo, revient sur les propos d’Angela Merkel au sujet de l’islamophobie, lors de sa visite officielle à Berne, le 3 septembre dernier.

Photo: Angela Merkel CC (by) Philipp

«Nous devons avoir le courage d’être chrétien, de susciter le dialogue [avec les musulmans], d’aller à la messe ou au culte, de nous replonger dans la Bible», a exhorté Angela Merkel, lors d’une visite officielle à l’Université de Berne, le 3 septembre dernier. Confrontée à une question sur la façon dont elle pensait protéger l’Europe et la culture occidentale face à une peur grandissante de l’islamisation, la chancelière allemande a brandi le christianisme. «Pouvoir expliquer la signification d’un tableau accroché dans une église n’est pas une tare. Si vous demandez à des écoliers ce qu’est la Pentecôte, les réponses seront sûrement très décevantes. Je ne comprends pas vraiment pourquoi on se plaint du fait que les musulmans connaissent bien le Coran», a ajouté la docteure en physique, fille de pasteur.

A travers ses propos, la chancelière dépeint une Europe qui a perdu ses racines, incapable de se rappeler la signification de ses propres fêtes religieuses où de comprendre une œuvre d’art imprégnée de l’héritage judéo-chrétien. Et face à cette Europe inculte, qui critique ce qu’elle ne fait plus l’effort d’étudier, des musulmans attachés à leurs traditions et leurs origines. On ne peut, décemment, pas parler de choc culturel, mais de rencontre entre culture et aculture.

Le retour au christianisme permettrait à la société occidentale de redécouvrir les fondations de sa propre civilisation, de retrouver des certitudes et la foi en des valeurs communes. Il positionnerait l’Europe sur un pied d’égalité face à l’islam: deux sociétés possédant leur propre religion, leurs convictions et leurs coutumes. Deux cultures différentes qui partagent la foi en Dieu. Dans cette situation fictive, la peur, qui découle essentiellement de l’inconnu, n’aurait plus lieu d’être, car Orient et Occident fonctionneraient selon les mêmes paradigmes religieux.

Mais n’est-ce pas provocateur de demander aux Européens de réinvestir le christianisme, alors que ce qui les effraie le plus est la religion en soi? Ce n’est pas l’islam, Allah ou Mahomet, mais le fait de croire en un système de pensée qui fait intervenir des éléments inexplicables d’un point de vue rationnel. Ainsi, quand Angela Merkel demande d’avoir le courage d’être chrétien pour lutter contre la peur de l’islamisation, elle appelle à une mesure – redevenir religieux – qui fait bien plus peur à l’Europe que cet islam qui cristallise aujourd’hui ses craintes.