Merci à Amnesty International!

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Merci à Amnesty International!

5 avril 2017
Protestinfo laisse régulièrement carte blanche à des personnalités réformées.

Le professeur de théologie systématique Pierre Bühler réagit à la lecture du dernier rapport annuel d’Amnesty International

En petites bandes dessinées d’une seule ligne, le dessinateur argentin Quino nous invite à découvrir les réflexions de Mafalda dans toutes sortes de situations quotidiennes, avec ses parents, ses camarades d’école, etc. Mais cette petite fille est aussi très soucieuse de l’état du monde, soigne sa mappemonde, lui mesure la fièvre… Dans l’une de ces bandes dessinées, on voit tout d’abord sa maîtresse d’école enseigner la classe, puis la classe tout entière éclater en pleurs. À la maison, Mafalda explique à sa maman inquiète de la voir revenir si triste de l’école: «Rien. Ça va passer. Mais aujourd’hui on a eu une leçon sur les droits de l’homme.»

C’est la même expérience que l’on peut faire en lisant le dernier rapport annuel d’Amnesty International sur la situation des droits humains dans le monde: oui, le panorama établi sur la base d’une analyse détaillée dans 159 pays fait vraiment pleurer. L’année 2016 est marquée par un recul inquiétant du respect des droits fondamentaux, un recul alimenté par des discours de haine et de peur à l’égard des «autres», atteignant des niveaux inégalés depuis les années 1930, selon le rapport. Que ce soit un Vladimir Poutine, un Viktor Orbán, un Recep Tayyip Erdogan ou un Rodrigo Duterte, de plus en plus de responsables (d’irresponsables?) politiques s’acharnent sur des groupes entiers de population, les transforment en boucs émissaires, les éliminent de sang-froid. Et ce n’est pas le nouveau président américain qui améliore la situation, bien au contraire.

Le rapport fait état de crimes de guerre perpétrés dans au moins 23 pays. Partout aussi, la liberté d’expression est mise à mal, au nom de la sécurité, de la lutte contre le terrorisme. Les réfugiés sont tout particulièrement ciblés par les discours xénophobes et racistes. Le rapport signale que 36 pays au moins ont violé le droit international en renvoyant illégalement des réfugiés dans des pays où leurs droits sont menacés. Et partout, il est question de construire des murs, de dresser des barrières de barbelés.

Et la Suisse dans tout cela? Elle ne fait pas exception, malheureusement. Le rapport signale qu’elle a procédé en 2016 au renvoi forcé illégal de milliers de demandeurs d’asile, dont plusieurs centaines de mineurs non accompagnés, violant ainsi la convention sur les droits de l’enfant. Et de manière répétée, on apprend que de jeunes femmes enceintes ou accompagnées de petits enfants sont renvoyées vers d’autres pays, selon les accords de Dublin, alors qu’elles ont déjà subi des horreurs sur leurs chemins d’exil.

Le rapport d’Amnesty dénonce un monde «qui ferme les yeux sur les atrocités», celles de Syrie, notamment. Ces cinq dernières années, le régime de Bachar el-Assad a fait disparaître des milliers d’opposants dans ses prisons par pendaison, et ses représentants siègent à Genève pour des négociations de paix…

Il faut donc remercier Amnesty International pour son travail infatigable de veilleur!

Mais ces informations catastrophiques ne nous paralysent-elles pas? Je sens en moi et autour de moi bien des réactions de résignation. Pourtant le rapport d’Amnesty est précisément un appel à ne pas capituler. C’est la tâche de la société civile, des citoyennes et citoyens que nous sommes, de rester vigilants, là où nous sommes, avec les forces que nous avons.

En 1958, pour les dix ans de la Déclaration de l’ONU, Eleanor Roosevelt, la veuve du président Roosevelt, disait: «Si chacun ne fait pas preuve du civisme nécessaire pour qu’ils soient respectés dans son entourage, il ne faut pas s’attendre à des progrès à l’échelle du monde.» Voilà une grande dame américaine dont le président Trump pourrait s’inspirer pour faire des Etats-Unis une «grande nation»…