Guillaume Gallienne rend grâce à François d’Assise

Guillaume Gallienne sur la scène des Terreaux à Lausanne © Christophe Raynaud de Lage / coll. Comédie-Française.
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Guillaume Gallienne sur la scène des Terreaux à Lausanne © Christophe Raynaud de Lage / coll. Comédie-Française.

Guillaume Gallienne rend grâce à François d’Assise

1 février 2022
Après avoir incarné le saint homme pour les 750 ans de l’église Saint-François à Lausanne, le comédien s’est confié sur un métier où le doute reste moteur.

Guillaume Gallienne vient de quitter Lausanne, après y avoir donné deux représentations de «François, le saint jongleur». Une pièce pour un acteur de l’Italien Dario Fo, taillée pour un virtuose… Une partition idéale pour le membre de la Comédie-Française, qui a foulé la scène de du Centre culturel des Terreaux les 26 et 27 janvier dans le cadre des 750 ans de l’église Saint-François.
Révélé par son film «Les garçons et Guillaume, à table!» en 2013, adapté de son seul en scène éponyme où il personnifie sa propre mère, l’acteur français, élégant et chaleureux, a donné corps à plus d’une trentaine de personnages dont la route a croisé celle de ce moine mendiant, fondateur de l’Ordre des frères mineurs et évangéliste du bas peuple: saint François d’Assise (1181-1226). L’occasion rêvée, croyait-on, d’aller titiller Guillaume Gallienne sur son rapport à la religion, mais l’homme de scène converti à l’orthodoxie à 29 ans se fait tout à coup pudique… Assis dans le lobby d’un palace lausannois, le comédien, très en verve, est plutôt d’humeur théâtrale… Et, fou de son métier, il livre ainsi quelques réflexions bien senties sur sa vie professionnelle, «une recherche de vérité constante qui implique de travailler tout le temps».

Saint-François d’Assise a proclamé l’Évangile en langue populaire, et pas en latin, provoquant une petite révolution. Pensez-vous que le rire est la meilleure façon d’atteindre les gens?

Je ne crois pas. Mon grand succès, «Les garçons et Guillaume, à table!», n’était pas seulement une comédie… Et je ne dirais pas que la tragédie c’est le latin, et que la comédie c’est la langue populaire, non. À la Comédie-Française, je n’ai absolument pas l’impression qu’on fait un théâtre d’élite ou uniquement pour initiés et érudits. Je ne mets pas de frontière entre les genres. Laurent Terzieff avait dit cela à la cérémonie des Molières: «Ce n’est pas le théâtre privé ou le théâtre public, c’est le privé et le public.» En effet, je n’aime pas tellement ce snobisme-là.

Toutefois, cette barrière existe bien…

Voilà l’énorme avantage d’approcher la cinquantaine: je me fiche complètement de ces clivages. C’est le problème des autres. Pas le mien. D’ailleurs, je n’essaie pas non plus d’équilibrer mes participations entre les projets populaires et ceux qu’on dirait plus pointus. Dans «La Cerisaie» de Tchekhov, tout le monde se tutoie, nobles et domestiques, on a l’impression que tout le monde est de la même famille. Pour moi, le théâtre et le cinéma, c’est pareil. Tout le monde est de la même famille.

À la Comédie-Française, je n’ai absolument pas l’impression qu’on fait un théâtre d’élite ou uniquement pour initiés et érudits.
Guillaume Gallienne

Vous avez joué plus de trente personnages sur scène, à Lausanne, mais un des rôles de votre vie est celui de votre mère. Sans elle, vous n’auriez pas été le même acteur?

Alors ça, c’est certain. Il n’y a pas un acteur au monde que sa mère n’ait pas influencé. L’avantage, chez ma mère, c’est qu’elle est extrêmement drôle. J’avoue que mon père aussi, était très théâtral. Mais si j’ai atteint un tel succès, ce n’est pas simplement parce que je réglais quelque chose avec ma mère en la jouant. Ce film a marché car j’étais l’un des premiers à dire que nous devons arrêter de coller des étiquettes. Ce n’est pas parce qu’on est un garçon qu’on doit forcément marcher comme si on avait des couilles de taureau! Ce qu’on appelle aujourd’hui les non-binaires, même si je n’ai pas utilisé ce mot-là à l’époque, c’est bien d’eux que je voulais parler. Cessons de coller des étiquettes sexuelles sur les enfants. C’est à eux de se découvrir, en prenant tout le temps qu’il leur faut, et ce n’est pas parce qu’on est parent qu’on doit «baptister» son enfant avec une identité qu’on choisirait pour lui, nom d’un chien!

François d’Assise, que vous avez incarné, a rédigé sa «règle», dans laquelle il a consigné les préceptes de la vie du moine selon lui. Vos préceptes de comédien, quels sont-ils?

Le présent, le présent, le présent. Un jour, la créatrice lumières de la pièce «Les garçons et Guillaume, à table!» m’a dit n’avoir besoin que de trois jours de travail pour régler mes éclairages. Elle a eu cette phrase: «Ce n’est pas le temps que j’y passe qui compte, mais la manière dont j’y plonge.» Cet adage est devenu mien dans la seconde. Le doute est aussi la base. Dans un de ses poèmes, ma cousine Alicia Gallienne écrit: «Lecourage, c’est aussi renouveler le doute.» Dès que je cesse de douter, je me mets dans une situation où douter très vite à nouveau.

Vous jouerez «Le Malade imaginaire», à Versailles, pour la célébration des 400 ans de la naissance de Molière. Cette querelle de vrais et faux médecins est-elle jouissive, en plein Covid?

C’est magique. Jusqu’alors, on s’est moqué d’Argan, mais Béralde, qui parle de médecins empêtrés «dans l’erreur populaire», à l’image de tant de spécialistes qui ont professé des choses erronées sur la pandémie, peut désormais avoir raison! Tout le temps, l’actualité se confond et résonne avec les pièces de théâtre. Et je dois dire qu’en plus, dans «Le Malade imaginaire», le fait que Molière parle d’une maladie du poumon avant de s’éteindre, justement, d’un mal au poumon, cela crée une autre mise en abyme fascinante.

Vous serez bientôt Ambroise Paré dans «Diane de Poitiers», série deJosée Dayan. Qu’est-ce que cela fait de jouer pour la première fois avec Isabelle Adjani?

Adjani est tellement brillante, tellement intelligente. Il y a peu d’acteurs comme elle, qui sont des prodiges. On ne peut rien dire, rien reprocher à ce qu’elle fait. C’est une créatrice. Dès ses premières lignes de texte, c’est fabuleux, elle crée quelque chose, tout de suite. C’est de la fulgurance au kilomètre, Isabelle Adjani. C’est inouï. Les comédiens Thierry Hancisse ou Gérard Depardieu sont de cette trempe.

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