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© Nicolas Meyer
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© Nicolas Meyer

Les Églises réformées romandes déterminées à faire éclater la vérité

8 décembre 2025
AFFAIRE PROTESTINFO
Réunie en assemblée générale le 29 novembre à Lausanne, la Conférence des Églises réformées romandes a donné son accord à l’élaboration d’un rapport d’analyse sur « l’affaire » Protestinfo. À cet effet, elle a approuvé la création d’une commission de travail incluant des experts externes. Le rapport devrait être livré au printemps prochain.

Rappeler les faits de « l’affaire » Protestinfo n’est peut-être plus nécessaire, vu les dimensions qu’elle a prises dans les médias. Au mois d’octobre 2025, on a pu lire dans les journaux romands que les deux journalistes de l’agence de presse Protestinfo s’étaient vu proposer un accord de résiliation de leurs rapports de travail. À ce moment-là, ils s’apprêtaient à publier un nouveau volet d’une enquête difficile publiée en 2024. Dans un contexte de crise des liens de confiance avec l’Église, le Conseil exécutif de la Conférence des Églises réformées romandes (CECER) a tout d’abord décidé de suspendre la publication de l’article pour tenter la voie de la médiation. Les négociations ont débouché sur un constat de « divergences irrémédiables ». Après la mise à l’écart des deux journalistes, un mouvement de soutien s’est créé pour dénoncer un éventuel non-respect de la liberté de la presse, voire une censure.

Vu les circonstances, c’est assez logiquement que « l’affaire » Protestinto a pris une place importante dans l’ordre du jour de la 62e assemblée générale de la Conférence des Églises réformées romandes (AG CER), le samedi 29 novembre à Lausanne. « Les récents événements ont provoqué, dans le grand public comme au sein de l’Église, une perte de confiance perceptible, a déploré Ueli Burkhalter, délégué des Églises Berne-Jura-Soleure. Les prises de position et les communiqués publiés en octobre par les différentes instances concernées donnent l’impression d’une communication institutionnelle désordonnée et d’une gouvernance insuffisante. »

Enquête interne

Pour faire la lumière sur cette affaire et tirer des leçons pour l’avenir, l’assemblée générale de la CER a validé un mandat pour l’élaboration d’un rapport d’analyse sur les circonstances détaillées de la mise à l’écart des deux journalistes de Protestinfo, ainsi que sur les suites à donner au niveau institutionnel. L’assemblée a approuvé la constitution d’une commission temporaire pour l’exécution de ce mandat. Celle-ci sera composée de deux membres de l’AG CER, Gilles Cavin et Pierre-Philippe Blaser, et d’experts externes reconnus, soit une personne compétente en matière de droit juridique et au moins un spécialiste des médias. « La commission doit pouvoir s’adjoindre librement d’autres personnes ressources, en fonction des besoins. Ce n’est pas à l’Église de les choisir », a souligné Philippe Leuba, président du Conseil synodal de l’Église évangélique réformée du Canton de Vaud (EERV). « D’autre part, il est important qu’elle se penche sur les questions d’avenir, en particulier sur le fonctionnement d’une agence de presse indépendante tout en étant loyale envers son employeur. »

La commission aura la tâche d’établir la chronologie des faits, les motifs de la résiliation des contrats des deux journalistes, les circonstances de leur départ forcé, ainsi que la séquence des communications internes et externes. Il s’agira notamment de mettre en lumière le processus qui a mené aux décisions institutionnelles prises dans cette affaire, en clarifiant les rôles et les responsabilités des personnes impliquées. Pour mener à bien son mandat, la commission sera autorisée à mener tout entretien jugé nécessaire au sein des Églises ; elle pourra aussi auditionner les Conseils synodaux, ou une délégation des Églises membres de la CER. Enfin, elle aura accès à toutes les pièces du dossier (courriels et autres messages, contrats de travail, communiqués, convention de départ, rapport d’entretien téléphoniques, etc.). Un budget de 10'000 francs a été prévu pour la production du rapport. Ses conclusions sont attendues pour le 31 mai 2026 et seront rendues publiques, sous réserve des dispositions légales en matière de respect et de protection de la personnalité.

Droit de réponse

Inquiétés par le dégât d’image provoqué par cette affaire, une délégation des Églises Berne-Jura-Soleure a soumis plusieurs questions à Yves Bourquin, vice-président du CE CER. Pourquoi le CE CER a-t-il publiquement critiqué son agence de presse Protestinfo ? « De notre point de vue, nous n’avons jamais critiqué Protestinfo, en tout cas pas dans notre rôle d’employeur, s’est exprimé Yves Bourquin. Nous avons évoqué un certain nombre de dysfonctionnements internes, sans jamais nous prononcer sur les contenus journalistiques ». Comment le CE CER justifie-t-il la décision du gel de toute publication, alors que la charte rédactionnelle de 2000 prévoit une indépendance de la rédaction ? » Yves Bourquin : « J’ai clairement fait savoir, sur le moment, que ce gel était une première mesure provisoire qui s’inscrivait dans une démarche de temporisation pour permettre la reprise d’un dialogue serein et constructif. » Une médiation a-t-elle été menée en présence du directeur de Réf-Médias (anciennement Médias-pro), et si non, une instance de recours a-t-elle été saisie avant de résilier les rapports de travail des deux journalistes ? « Je vais être très clair, a répondu Yves Bourquin. Le constat de l’impossibilité de poursuivre les rapports de travail ne repose pas sur une question journalistique, mais sur des divergences de vues récurrentes. La confiance s’était érodée depuis des années. »

Nouveaux statuts et cours bibliques

Moyennant quelques amendements, l’assemblée générale a validé les nouveaux statuts de la CER, qui entreront en vigueur le 1er juin 2026 et remplaceront ceux qui dataient du 3 septembre 2012. « Ils ont été passés au crible fin en interne, puis en externe, par un notaire », a précisé Yves Bourquin. Le modèle de fonctionnement de la CER était en discussion depuis longtemps, avec à la clé une redéfinition de ses finalités. Désormais, la CER se profilera comme un outil opérationnel au service des Églises réformées romandes, et non plus comme une entité ecclésiale à part entière. Elle conserve néanmoins la forme juridique d’une association, ses principaux buts étant de « mutualiser, coordonner, représenter et conduire les tâches communes aux Églises romandes ». Le budget 2026 de la CER, avec des charges et des produits de 2,9 millions de francs, a subi lui aussi quelques amendements avant de passer la rampe.

Quant au cours annuel « Étudier la Bible », il a fait l’objet d’un examen par l’Office protestant de la formation (Réf-Formation, anciennement OPF). Motif : il demande beaucoup de travail de préparation et de suivi. Trop, peut-être ? Trois propositions ont donc été soumises à l’assemblée générale : maintenir cette prestation telle quelle, sous condition d’un rafraîchissement du site internet (pour un coût évalué à 5000 francs) ; la conserver, mais en réduisant la voilure (généraliser l’envoi des documents sous format PDF au lieu des versions papier, utiliser les études existantes et en proposer une nouvelle tous les deux ou trois ans, etc.) ; ou enfin ne plus la proposer. L’assemblée s’est décidée pour la seconde solution.