De l'Ukraine à la Suisse en quête de sérénité

Villette, découverte de la région pour Lilia, Maya et Zoya. / © Aude Roy Michel
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Villette, découverte de la région pour Lilia, Maya et Zoya.
© Aude Roy Michel

De l'Ukraine à la Suisse en quête de sérénité

Propos recueillis par Aude Roy Michel
3 juin 2022
Rencontre
Rencontre avec Lilia Alandarenko, qui a fui l’Ukraine avec ses deux filles, Maya, 13 ans et Zoya, 8 ans et trouvé refuge en Lavaux depuis la fin du mois de mars.

Pourquoi avoir choisi la Suisse comme refuge?

Lilia Alandarenko: Je vivais près de Kiev et depuis le 24 février, il y avait chaque jour des bombardements. La nuit on devait aller dormir dans des abris, alors avec mon mari et les filles, nous sommes partis dans l’est du pays, mais il y avait aussi des raids aériens et j’ai réalisé qu’il n’y avait plus de lieu sûr en Ukraine. Je me sentais responsable de la vie de mes filles, je voulais qu’elles puissent marcher dans la rue en sécurité et vivre une vie normale. J’ai eu peur aussi qu’en restant elles soient traumatisées à vie. J’ai choisi de venir en Suisse parce que j’y étais déjà venue quatre jours il y a quelques années et que c’est un pays très sûr. C’était le critère essentiel pour prendre ma décision.

Qu’est-ce qui a été mis en place, qui vous a permis de vous adapter?

L. A. : Je suis très heureuse de la manière dont nous avons été accueillies, avec bienveillance et générosité. Je suis très surprise qu’autant de Suisses se soient annoncés pour accueillir des réfugiés chez eux!

La société suisse est très ouverte, développée et empathique, en Ukraine on n’a pas autant d’empathie. Je pense que c’est dans votre éducation. J’ai senti cette gentillesse aussi chez les enfants et les jeunes avec qui j’ai été en contact. Tout nous a été facilité: les transports publics, les démarches administratives, cela nous aide beaucoup. Ma famille d’accueil essaie constamment de nous intégrer, pour qu’on se sente à la maison dans le village. J’ai pu ainsi faire connaissance avec beaucoup de personnes et des gens vraiment intéressants. La région est magnifique, toute cette beauté autour de moi m’aide à avancer.

Qu’est-ce qui vous paraît très différent en Suisse?

L. A. : La sécurité, partout, c’est incroyable! Ici j’ose laisser mes filles aller seules à l’école et prendre le train. Les voitures vont s’arrêter si elles traversent un passage piéton! Votre société est très ouverte et communicative. Elle ose s’ouvrir aux étrangers. J’aimerais qu’un jour cela soit comme ça dans mon pays.

Comment vivez-vous les informations qui viennent de la guerre?

L. A. : C’est très dur, je n’aurai jamais imaginé possible tant de brutalité.

Comment voyez-vous la suite?

L. A. : Mon avenir aujourd’hui est de suivre la scolarité de mes filles. Elles font l’école ukrainienne en ligne en plus de l’école à Cully. C’est une bonne expérience d’aller à l’école et de communiquer avec une autre nationalité. C’est une grande opportunité pour elles de vivre dans cette société ouverte et démocratique. Vivre quelque temps dans ce pays aura une belle influence pour toute leur vie. Elles devront participer à la reconstruction de leur pays et cette expérience de vie en Suisse sera pour elles un très bon exemple de société vers laquelle nous devons tendre. Mes enfants sont très heureuses ici. Parfois elles écrivent à leurs amis qu’ils leur manquent, mais cela ne dure pas. Elles sont tellement bien accueillies par les enfants de leur âge! Cela leur apprendra à être à leur tour, un jour, des personnes sachant accueillir les autres.

Comment décririez-vous votre pays?

L. A. : Jusque-là, peu de Suisses connaissaient l’Ukraine, maintenant on est célèbres! Je suis contente de voir la solidarité de l’Europe contre l’agresseur. On a une histoire de plusieurs millénaires, je suis contente de la partager avec ceux que cela intéresse. Nous nous sommes toujours battus pour notre indépendance, notre propre langue, nos propres valeurs. Le totalitarisme n’est pas pour notre pays. Nous sommes une jeune démocratie, et nous avons toujours voulu en être une. Chaque village, chaque ville, a son gouvernement local. C’est pour cela qu’il y a une telle résistance contre l’envahisseur. Partout il y a une communauté qui veut défendre son village, sa terre. Les Ukrainiens n’aiment pas les oligarchies, en cela nous ressemblons aux Suisses.

Avez-vous un rêve?

L. A. : Mon rêve est que l’Ukraine ne soit plus un pays de perdants mais un pays de gagnants. C’est un moment crucial pour la nouvelle Ukraine qui se joue. J’espère que nous pourrons garder notre pays.