Les Eglises allemandes ont peut-être facilité le succès électoral de l’AFD

l'AFD a remporté 13% des suffrages lors des dernières élections en Allemagne (septembre 2017) © Keystone
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l'AFD a remporté 13% des suffrages lors des dernières élections en Allemagne (septembre 2017) © Keystone

Les Eglises allemandes ont peut-être facilité le succès électoral de l’AFD

2 octobre 2017
En l’ostracisant et en le marginalisant, l’Eglise protestante a-t-elle nourri la montée en puissance du parti populiste de droite? C’est la thèse d’un théologien qui invite au contraire les Eglises à accueillir ceux qui se sentent comme étrangers dans leur propre pays.

Ulrich H. J. Körtner, professeur de théologie à Vienne, critique les prises de position de l’Eglise vis-à-vis de la forte progression lors des élections législatives de Alternative für Deutschland (AFD), le parti allemand national conservateur, anti-migrants et anti-islam. Au lieu de se contenter aujourd’hui de manifester leur détestation envers un tel groupe, «les Eglises devraient faire preuve d’autocritique en se demandant quel rôle elles ont  pu jouer dans le succès électoral de ce parti peu recommandable, à travers leur soutien véhément et leur exagération de la supériorité morale de la politique migratoire de la chancelière Angela Merkel (CDU)», a déclaré M. Körtner à l’agence de presse protestante allemande EPD. L’Eglise protestante d’Allemagne (EKD) a réagi en soulignant qu’elle se préoccupait déjà depuis longtemps des origines du populisme de droite.

«Les actions exprimant un réflexe “anti droite”, telles que l’initiative colonaise “Notre croix n’est pas gammée”, qui dénonçait sans distinction les adhérents et sympathisants de l’AFD comme des nazis déguisés ou assumés, étaient à la fois bâties sur une base erronée et politiquement contreproductives dans ce contexte», souligne le théologien protestant.

L'AFD est passée du statut de parti euro-critique à celui d’organisation de droite populiste et nationaliste dont les Eglises ont de bonnes raisons de se désolidariser
H. J. Körtner, Théologien

Certes, H. J. Körtner prend ses distances avec le parti:  «L'AFD est passée de son statut original de parti euro-critique à celui d’une organisation de droite populiste et nationaliste, qui tient en partie de l’extrême droite et dont les Eglises ont de bonnes raisons de se désolidariser». Mais le risque existe que les forces politiques modérées et les Eglises allemandes commettent elles aussi l’erreur qui a nourri la montée en puissance du Parti de la liberté d’Autriche (FPÖ): «L’AFD aussi ne sera que renforcée par des attitudes de marginalisation pure et d’ostracisation».

Un porte-parole de l’Eglise a déclaré à l’EPD que l’EKD «se préoccupe déjà depuis longtemps, de manière nuancée, des origines du populisme de droite»: «C’est pourquoi elle ne s’est pas refusée à un débat direct avec des représentants de ce courant, encore dernièrement lors du Kirchentag de Berlin à travers l’évêque Markus Dröge, membre du Conseil de l’EKD». Avec le rapport publié il y a quelques semaines par sa Chambre de la responsabilité publique, l’EKD a en outre «fourni une nouvelle contribution très pertinente à la culture du débat public de notre pays».

Dans ce document publié à la fin du mois d’août, intitulé «Consensus et conflit: la politique a besoin de débat», l’EKD réclamait une plus large participation à la confrontation d’idées essentielle à la démocratie. Le Conseil de l’EKD avait chargé la Chambre de mener une réflexion sur les rapports à entretenir avec les populistes de droite. Il en est ressorti dix grandes impulsions, touchant notamment à la culture du débat, la manière de gérer les conflits et le rôle des Eglises dans le dialogue démocratique.

Quant à Ulrich H. J. Körtner, il résume ainsi sa position: si les Eglises désirent entamer le dialogue ou ramener vers elles des personnes «qui se sentent de plus en plus comme des étrangères au sein de leur propre pays, et également de leur communauté religieuse», elles devront pour cela savoir remettre en question leurs propres positions et actions.